« Florence » n’est pas une histoire d’amour, c’est bien plus.

Florence Yeoh est une jeune femme salariée d’une entreprise. On découvre que plus jeune, elle aimait beaucoup dessiner et que sa vie actuelle, sans être désastreuse ne la satisfait pas entièrement. Un matin, elle rencontre un street artist du nom de Krish et une histoire d’amour va se tisser au fil des séquences proposées par le jeu. Pendant que l’un joue de la musique l’autre le dessine. Krish entre dans une école de musique tandis que la vie salariale rattrape Florence qui retrouve un milieu peu gratifiant. La routine s’installe alors au sein du couple et chacun s’éloigne. Les disputes vont conduire le couple à se séparer et tandis que l’on perd de vue Krish, Florence recommence à dessiner puis à vendre ses créations. Les relations houleuses qu’elle pouvait avoir avec sa mère se simplifient et finalement les deux se retrouvent et se soutiennent. A cheval entre son travail et son art, Florence finit par être exposée dans une galerie. Elle peut désormais vivre de sa passion et quitte son emploi pour devenir artiste à temps plein. Elle adopte un chat et revoie périodiquement sa mère. A la toute fin, le jeu révèle une Florence Yeoh épanouie, heureuse du chemin qu’elle a parcouru et du sentier qui se dessine devant elle.

Florence est un jeu développé par l’équipe du studio Mountains et est sorti le 14 février 2018. Malgré l’histoire romantique qu’il présente, Florence est bien plus : c’est un récit « tranche de vie » qui nous est révélé par une esthétique « bandes-dessinées » ou story board. Florence est un storyboard  jouable. Il met en récit une jeune femme frustrée qui aspire à une vie artistique. La rencontre de Krish n’est pas anodine car même si l’on suppose que la relation est sincère et non toxique, on peut s’interroger sur le fait que Florence pousse Krish à réaliser ce que potentiellement elle aurait aimé faire : une école d’art. En plus d’une histoire d’amour, il est  aussi question dans ce récit de l’émancipation de jeune femme qui a été empêchée par sa famille, puis par son travail, d’accéder à ce qu’elle désirait faire sincèrement : vivre de son art. La solution est d’abord de vivre à travers quelqu’un d’autre : Florence pousse Krish. Celle-ci ne fonctionne pas. Le jeu tient un discours sincère sur les parcours de vie de chacun et promeut l’idée qu’il est important de se sentir en équilibre avec son environnement personnel, professionnel, familial, etc. C’est de cela dont il est fondamentalement question à mon sens dans le jeu. Il est fondamentalement question du bien-être de Florence et on ne peut qu’être heureux·euse pour elle lorsque le jeu se termine.

Les événements ludiques que l’on rencontre nourrissent le propos et le récit. le jeu illustre les maladresses de Florence et de Krish dans leurs discussions en proposant des puzzles plus ou moins compliqués à résoudre. Plus les puzzles sont compliqués et plus les personnages sont gênés pour prendre la parole et inversement, lors des disputes, les éclats sont associés à des puzzles déjà résolus. Florence est un parangon de la rhétorique procédurale et des limites de ce concept. Tous les  éléments du jeu sont finement liés entre eux et indissociables. Dans une certaine mesure, le jeu est pour moi un exemple de ce que j’appelais la narration à n-corps pour définir les récits vidéoludiques. Plutôt que de supposer qu’un élément (par exemple les illustrations) est encastré dans un autre (le gameplay), on effectue des allers et retours  entre les différents corps du jeu. ■

esteban grine, 2019.

Florence, épanouie <3