Halogène et Moyen Âge

Halogène et Moyen Âge

Scinaute

Avant de commencer à écrire, j’ai pris dix minutes pour laisser vagabonder mes pensées, pour voir ce qui me venait à l’esprit lorsque j’évoque « jeu de mon enfance ». Bien qu’ayant connu plusieurs consoles distinctes, mes souvenirs les plus marquants sont en majorité liés à la Playstation. Mes parents en possédaient une, et l’ont toujours d’ailleurs, qui a chauffé pendant de longues années. Grâce à la ludothèque qui allait avec, j’ai passé de nombreuses heures à observer les séances de jeu de mon père sur Tomb Raider et celles de ma mère sur le premier Spyro. Ce ne sont pas des « grands » joueurs dans l’âme, mais ils ont réussi à s’imposer dans mon esprit comme experts de ce domaine, en tous cas à l’époque, et m’ont initié à cette passion. Et quelques temps après c’était moi qui parcourait tous ces univers fantastiques, me bâtissant ainsi le socle de mon rapport aux jeux vidéo.

Il y a eu bien sur d’autres supports de jeux, mais qui sont arrivées plus récemment. Ou bien une Philips CD-i mais que j’ai très peu exploitée. Non, aujourd’hui, même après des dizaines voire des centaines d’heures passées sur des consoles plus récentes, rien ne me fait mieux revenir dans le passé que les sons d’ouverture au lancement d’un jeu Playstation, une fois le bouton power pressé. Vous savez, celui qui accompagne le logo orange du Sony de l’époque, suivi par celui de la console.

Figure 1 – Premier visage de l’ASMR

Pour ce témoignage, citer tous les jeux qui ont eu une importance pour moi sur ce support et dont les souvenirs sont encore vifs serait inutilement long et ennuyeux à détailler. Je vais donc n’en mentionner qu’un en particulier, qui est sûrement celui qui me revient le plus souvent à l’esprit au quotidien : MediEvil. Un des premiers jeux que j’ai connus et que j’ai exploré assez longuement, ainsi que son second opus et son remake sur PSP.

La mention du son de démarrage de la Playstation n’est pas anodin dans ce texte. Chez moi en effet, les souvenirs sont très souvent déclenchés par un phénomène auditif. J’entends par là n’importe quel son ou musique qui serait, pour une raison ou pour une autre, lié émotionnellement à un jeu. Lorsque le son mentionné précédemment et caractéristique de la console de Sony parvient à mes oreilles, je me retrouve instantanément sur un vieux canapé, une manette dans les mains, ses joysticks usés par leur utilisation, fixant un écran cathodique qui affiche alors les premiers écrans du jeu en lui-même.

Revenons maintenant à MediEvil. Si je recherche des images de ce jeu sur internet, je tombe sur des visuels bruts tirés du jeu, ou des artworks présents sur la jaquette. Quand je les observe, ce sont ces images qui me viennent à l’esprit. Cela peut paraître évident et un peu stupide écrit comme ça, mais il y a une subtilité. Je n’imagine non pas une scène, pas une émotion, juste un visuel mental entièrement et simplement calqué sur ce que je viens d’observer. Présentez-moi le menu principal de ce jeu, c’est-à-dire un squelette indiquant sur une pierre tombale la possibilité de lancer une nouvelle partie, de continuer une aventure entamée etc. et je n’aurai que cette unique scène figée en tête, sauf à réaliser un léger effort pour me représenter le reste.

Figure 2 – Menu Principal de MediEvil

A l’inverse, si la musique de ce menu principal est jouée, alors mes pensées réagissent instinctivement, déambulent dans le cimetière, parmi les tombes et les citrouilles, dans une nuit noire et pluvieuse, sans le moindre effort requis. Puis par assimilation, vont rejoindre d’autres éléments clés du jeu : le crâne borgne de Daniel Fortesque reposant dans sa crypte, le mausolée et son démon-vitrail, le village endormi etc. D’un simplement élément musical du jeu, c’est tout son univers qui me parvient, une atmosphère médiévale, sombre mais avec son petit lot d’humour, de statues de gargouilles parlantes et de champs de blés mortels.

A travers ses musiques, ce jeu me revient sous forme d’ambiance, d’éléments et de scènes caractéristiques. Mais ce n’est pas tout. Le jeu est présent dans mes souvenirs, bien, mais également son contexte. En effet, en plus de scènes vidéoludiques marquantes, je me représente la manette usée mentionnée plus tôt, la fin d’après-midi qui suit la dernière heure de cours de la journée, le son baissé pour ne pas gêner le reste du salon mais suffisamment fort pour pouvoir en profiter… Ou bien, des années auparavant, une heure assis à côté de ma mère qui affronte Zarok dans son repaire.

MediEvil, mais aussi Rayman, Final Fantasy VII, Heart of Darkness… Chacun des jeux auquel j’ai joué sur Playstation me fait encore replonger dans son univers quand son ambiance m’est rappelée musicalement. Bien évidemment, en changeant de jeu, donc parfois de console, donc de situation où l’on joue effectivement, les contextes et les ambiances varient également.

Considérons maintenant une autre licence vidéoludique qui a eu un impact fort sur mes pratiques concernant le jeu vidéo : celle des jeux Pokémon. J’affirme même qu’elle a grandement contribué à forger la personne que je suis aujourd’hui, m’amenant sur internet et me faisant rencontrer par la suite certains de mes amis les plus chers à mes yeux.

Comme dit précédemment : autre type de console, autre façon de jouer. Je ne m’imagine plus dans un canapé une manette à la main. Désormais je me retrouve dans mon lit un soir, pendant les quelques minutes précédant le sommeil et la vraie fin de journée, GBA SP en mains et jouant dans le noir pour ne pas alerter les parents. Mais la particularité des jeux Pokémon, c’est qu’ils ont été parmi les premiers à pouvoir faire naitre des souvenirs chez moi qui ne sont nullement liés à leurs propres musiques. Explications :

J’ai beaucoup d’amour à revendre pour ces jeux, cependant les combats aléatoires sont quelque chose qui m’ont toujours agacé au plus haut point, me donnant la nette impression de casser le rythme. Ne pouvant supporter que très brièvement les musiques de combat qui débarquaient beaucoup trop souvent à mon gout, je me suis vite mis à jouer avec d’autres musiques par-dessus, même si elles n’avaient rien en commun avec le jeu. Et en jouant régulièrement avec un album de musique pendant assez longtemps, écouter ce dernier peut m’amener à me replonger dans certaines séances de jeu qui étaient enfouies dans ma mémoire. C’est ainsi qu’écouter les premiers albums de Shaka Ponk, par exemple, me ramène instantanément à Doublonville de Pokémon Heartgold, à faire des allers-et-retours en bicyclette pour faire éclore des œufs de Pokémon. Je reconnais évidemment que les ambiances diffèrent complètement entre le rock-électro du groupe français et la bande son originale du jeu japonais. Et pourtant les deux combinés ont donné naissance à une ambiance bien particulière, présente uniquement dans ma mémoire et contribuant à rendre mon expérience singulière à travers ma façon de jouer et mes souvenirs qui en seront pendant longtemps imprégnés.

C’est d’ailleurs fantastique de voir à quel point la situation dans laquelle on joue influence la manière dont on se souvient du jeu, par association d’idées ou d’éléments, et peut ressurgir dans notre esprit distinctement, comme si elle était d’une importance singulière. C’est ainsi que les lampes halogène me rappellent une soirée, assis sur le canapé que j’ai mentionné plus tôt, où je m’acharnais à rapprocher ma Game Boy Color de, vous l’avez deviné, la lampe halogène du salon, pour tenter en vain de trouver mon chemin dans la Grotte de Pokémon Bleu. Celle-ci nécessitait une compétence particulière pour éclairer son environnement d’ordinaire trop sombre. Mais quand, plus jeune, on a la mauvaise habitude de passer son temps à progresser sans véritablement faire attention aux dialogues, on finit par s’étonner que l’écran soit si noir même en éclairant du mieux que l’on peut avec la source de lumière la plus proche. On peut le dire : le moi d’il y a une bonne dizaine d’années n’était pas très futé.

Si en musique je me replonge instantanément dans un univers fictif, par association d’idées je finis par revoir toute une époque, une multitude de situations, de personnes, de lieux, qui pour certains étaient enfouis dans ma tête et n’avaient aucune raison particulière de ressurgir, mais qui ne disparaitront pas de sitôt, car associés à jamais à ce loisir.