Ne rien dire, ne rien écrire.

« Cela me fera un texte d’environ 8 000 signes. » C’est la phrase que j’ai sortie après que l’on m’ait posé la question suivante : « pourquoi captes-tu tes interventions en colloque ? ». Bêtement, je n’ai été capable que de dire : « cela me fait des signes en plus ». La remarque de la personne qui discutait avec moi fut cinglante : « c’est étrange de tout voir sous le nombre de signes ».

J’approche maintenant du bouclage de la deuxième année de ma thèse et je ne remarque que maintenant que j’ai, au fil du temps, pris le réflexe de parler en métriques – sans prendre en compte un niveau de qualité quelconque : je dois écrire 25 000 pour tel article, une présentation de 20 minutes équivaut à 15 000, si je veux faire une vidéo de 5 minutes, je dois rédiger environ 2 000 signes, etc.

Demain, j’atteindrai les 140 000 signes rédigés en ce mois de juillet.  Tout confondu. il m’en reste encore 25 000 à écrire avant cela. 25 000 que je n’arrive pas à sortir, avant la réécriture d’un autre article de 15 000… J’écris cet article maintenant pour me forcer, me relancer, réchauffer la machine. Les mains sur le clavier, voilà une réalité du doctorant que je suis : loin de sa manette, les yeux sur la page blanche de son éditeur de texte. J’écris maintenant, avec vitesse, un texte, le plus court, le plus expressif. J’écris maintenant comme un sportif effectue son échauffement : « attention à bien utiliser tout les doigts, ne pas trop regarder le clavier… » Je dois parler de jeux vidéo. Oui. Certes. Mais pour l’instant je n’y arrive pas. Il y a quelques années, on me disait : « il ne suffit pas d’avoir une appétence pour être compétent ». Aujourd’hui, j’ai toujours mon appétence, ma passion pour le jeu et pour l’écriture. Aujourd’hui je ne suis pas compétent.

Je termine un mois terrible, reflet d’une réalité du doctorant précaire que je suis. Pas précaire à cause de l’argent, c’est déjà une chance, mais précaire parce que je n’ai pas le temps. Tout doit être optimisé, au millimètre, pour tout rendre à l’heure. En juillet, j’ai été en retard. En juillet, j’ai respiré.

Le retard, ce n’est pas grave, il faut composer avec. Les projets arrivent, le rattrapage aussi. Les papiers, je vais les rédiger sans soucis. Les témoignages pour sans/REGRET sont presque prêts. Bref, je suis maintenant échauffé, il ma fallu 387 mots, maintenant, je peux partir rédiger. ■

Esteban Grine, 2018.