Loin Du Bruit, loin des autres – Far from Noise

Loin du bruit, loin des autres.

Nous sommes dans une voiture, sur le rebord d’une falaise. Chaque mouvement pourrait être le dernier et nous nous balançons entre la vie et la mort dans un temps qui semble suspendu. Entre la vie et la mort c’est le moment de réfléchir sur tout le reste. Un cerf, poète, philosophe, nous accompagnera.

J’ai fait deux parties dans Far From Noise. La première jouée en « découverte », j’ai fait les choix qui me semblaient les plus en accord avec ce que je pensais, et j’ai atteint une des fins. Puis j’ai recommencé une partie, cette fois en jouant un personnage. J’ai décidé d’être très égocentrique, négatif et tenter de faire fuir les autres par tous les moyens.

Et c’est cette partie qui m’a fait comprendre ce qu’est Far From Noise. C’est en centrant mon personnage sur lui-même que j’ai compris que ce jeu est un appel à s’ouvrir aux autres.
S’ouvrir aux autres pour aussi mieux se connaitre soi-même, et pour s’apporter mutuellement de nouvelles perspectives, de nouvelles façons d’aborder la vie. En ne parlant que de moi-même, je n’ai rien appris sur la personne prisonnière de la voiture. Je n’ai rien appris de son passé, de ses souvenirs, de ce qui l’a conduit dans cette situation, de ses rêves, de ses espoirs. Je n’étais pas dans l’échange, alors le jeu non plus.

S’ouvrir aux autres c’est aussi s’ouvrir à la nature, à ce qui nous entoure, aux spectacles constants de la vie. Fermé à tout et obsédé par le problème de la voiture. Je n’ai pas pris le temps d’observer autour de moi ce qui se passait. J’ai fait fuir tout ce qui pouvait rompre l’équilibre de la voiture, fuyant par la même occasion de nouvelles rencontres. Fermé aux merveilleux qui se déroulait devant moi. Finis le jeu en ayant loupé nombre de moment touchant comme les discussions sous les constellations ou la simple contemplation de l’océan.

Et puis la fin du jeu est arrivée bien vite. Le cerf abandonnant toute tentative de discussion. Non pas dédaigneux ou vexé mais attristé par la fermeté avec laquelle mon personnage refusait l’échange. La mauvaise fin du jeu. Celle où l’on meurt. Mais ce n’est pas le balancement de la voiture qui m’a tué. Ce qui m’a tué c’est l’effondrement du sol autour de moi. Une métaphore très certainement.

Far from Noise c’est un jeu poétique qui véhicule des messages d’ouverture et d’acceptation. Prendre le temps de l’introspection, prendre le temps de contempler ce qui est autour, prendre le temps de se distancer des souvenirs et des a priori, prendre le temps de se plonger dans ses souvenirs. Accepter les autres, s’accepter soi-même, accepter de changer, accepter la discussion, accepter que les autres change, accepter les autres sans les juger.

Far from Noise aborde des thèmes très beaux, sincères et touchants. C’est un jeu qui a résonné avec beaucoup de moment de ma vie et qui m’a particulièrement ému. Ma deuxième partie de Far From Noise m’a fait réaliser ce que j’ai pu louper en étant obtus à certains moments de ma vie. Il m’a fait me replonger avec mélancolie dans mes souvenirs. Mais aussi comprendre à quel point j’avais eu raison de faire certains choix, de tenter la discussion et l’échange. ■

Un bot pourrait faire ça, 2017.

Un battement, une éternité – Far From Noise

Un battement, une éternité – Far From Noise

De nombreuses fois il m’est arrivé de me trouver dans un entre deux, un moment hors du temps dans lequel je me retrouve bloquer entre plusieurs volontés incohérentes. D’un côté je souhaitais faire marche arrière, en essayant vainement d’annuler ce que j’avais déclenché et de l’autre, je souhaitais embrasser ce futur effrayant car inconnu.

« Far From Noise » raconte cela, en poétisant le rapport que l’on a avec la peur de l’inconnu mais aussi avec la peur du monde qui nous entoure. De nombreux sujets. Oui, c’est sûr, ce jeu aborde de nombreuses problématiques : peur des étrangers, déconstruction personnelle, acceptation du fait que le monde ne tourne pas autour de nous. Il y a de nombreuses leçons de vie dans ce jeu et son auteur, Georges Batchelor, les aborde aux détours d’une discussion que le ou la joueuse entretient avec un cerf, apparition du fantastique dans un récit pragmatique. Serait-ce une hallucination ? Une déité ? Le jeu n’y répond jamais. De manière générale, le jeu ne propose aucune réponse aux questions soulevées par la conductrice, égarée, entre terre et mer.

Au fur et à mesure de la discussion, le cerf déconstruit nos arguments en les dissolvant dans une philosophie relativiste et absolue. Tout est relatif, alors pourquoi ne pas embrasser cela ? Voilà l’une des propositions du jeu. Accepter le fait de ne pas être maître de son seul destin et que ce n’est pas grave si demain, tout s’arrête. Ce n’est pas grave pour le monde qui lui, par l’horizon, restera beau, immuable, un tout absolu.

Far From Noise est beau, pas seulement dans ses graphismes mais bien dans le message qu’il porte. Il faut défaire les préjugés que nous avons, en relativisant notre situation et ce, pour ne plus avoir peur de l’inconnu mais aussi des inconnus. C’est un autre message que le jeu nous propose ici. Ponctuellement surpris par l’irruption de nouveaux animaux, c’est à chaque fois la peur qui déclenche une réaction de la conductrice et c’est en prenant le temps d’observer pour mieux les comprendre qu’elle finit par éprouver de la sympathie pour ces créatures. Je ne suis pas plus importante qu’elles. On peut s’arrêter ici mais l’on peut aussi y voir un message de paix ainsi qu’une méthode : comprendre l’autre et prendre conscience de son existence, c’est un premier pas vers un monde meilleur.

C’est aussi un premier pas nous permettant de comprendre, qu’au bord du ravin, entre naissance et mort, que nous ne sommes pas si importants que cela et c’est par les relations avec les autres que nous pouvons alors comprendre notre vie. Accepter ce relativisme dont le cerf est l’allégorie, c’est ne plus avoir peur de l’inconnu, c’est accepter la fatalité des choses et notre petitesse, lorsque nous sommes face à face avec l’éternité, sous un ciel étoilé. Et tout cela ne rend le monde que plus beau à mes yeux. ■

Esteban Grine, 2017.