15 000 likes pour avoir parler de Philippe Katerine ? Avec des fautes d’orthographe en plus ?? [LINKEDINCORE]

J’ai fait 15 000 likes pour un post qui a ensuite été relayé/utilisé par de grands médias nationaux. Ce post médiatisait ce qu’il se passait sur Red, un Instagram chinois, à propos de la performance de #Katerine aux #JeuxOlympiques. Il contenait une faute immonde. Voici mes learnings.

💡 Le contexte

Red (xiaohongshu, abrégé xhs) est un réseau social chinois qui est globalement un équivalent d’Instagram/Reddit. Depuis la cérémonie d’ouverture, les tableaux pensés par Thomas Jolly inspirent de nombreux artistes. Un en particulier focalise l’attention des internautes chinois : le catwalk et la performance de #PhilippeKaterine.

👨‍💻 Ce qu’il se passe & l’événement déclencheur

Les graphistes et artistes chinois ont réapproprié la performance de Katerine, générant buzz et engouement sur la plateforme. Ma conjointe et moi, nous nous échangeons des captures d’écran de cela, car fondamentalement, c’est très drôle.

L’événement déclencheur : je partage une capture d’écran avec un tweet écrit à la volée. À ce moment, je pensais juste faire rire quelques followers. Je ne relis pas la chose. Osef en vrai. 20 minutes plus tard, je reprends mon smartphone. Le tweet à plus de 500 likes. J’ai environ 30 notifs toutes les 2 minutes.

📣 La take principale

La singularité des tableaux de cette cérémonie a favorisé leurs appropriations artistiques partout dans le monde. Nul doute que le côté innovant de la cérémonie (sans non plus être à l’avant-garde) a joué pour cela. La recherche de cette singularité de chacun des artistes en se positionnant comme un « propulseur » de ces derniers doit être privilégiée pour assurer une « circulation » et une médiatisation de l’événement par phénomène d’appropriation = « à bas les stratégies de push, favorisons la confiance et laissons libres les artistes qui vont créer des propositions pour nous » (sur la base d’un contrat bien sûr).

📢 l’analyse personnelle sur la cas Katerine

À la fois surpris, à la fois peu étonné, mon tweet a suscité de nombreux engagements. Quelques 300 follows supplémentaires. Katerine est un habitué des coups d’éclat à l’international comme lorsqu’il avait été invité par #JimmyFallon pour chanter « Moustache ».

Cela étant, il ne faut pas pour autant minimiser l’artiste en évoquant un « coup de chance ». #Katerine était déjà présent et connu sur xhr depuis bien avant la cérémonie. Il y alimentait un compte officiel en vlog et autres. Également, l’artiste a tout au long de sa carrière toujours su « avoir le nez » concernant les tendances, et ce, dès son premier album « les mariages chinois » (ironique non ?) sorti en 1991. Des chansons courtes, des paroles faciles à retenir, une alternance des registres (humour, subversion, qui donnent la chair de poule, des gimmicks) rendent ses productions facilement diffusables auprès d’audiences au-delà de la francophonie.

📢 Et l’orthographe dans tout ça

Mon propre tweet a circulé dans des sphères sociales inhabituelles pour moi, au-delà du jeu vidéo et des media studies. Ce qu’il s’est passé ? C’est simple, les errances de la saisie gestuelle. Et ce n’est que trop tardivement que je m’en suis aperçu… Le tweet cumulait déjà plusieurs centaines de likes. Le bon point, c’est que j’ai appris à vivre avec l’exercice de la relecture. Seules les personnes qui n’écrivent pas (dans le sens où c’est leur métier) font ce genre de reproches. Les autres écrivent et savent que les fautes sont inhérentes à l’exercice. Malgré cette horrible faute (le « quelles » au lieu de « qu’elle »), la chose m’a apporté davantage d’opportunités. Et puis je peux toujours essayer de me convaincre qu’en termes purement stratégiques, maintenir l’engagement (même le négatif) est une façon de jouer avec les algorithmes des plateformes (je me serai tout de même bien passé de ce type d’engagement).

  1. C’est ma faute
    C’est ma faute
    C’est ma très grande faute d’orthographe
    Voilà comment j’écris
    Giraffe.
Jacques Prévert (1946). Mea Culpa.

📢 Une autre take sur la relation chercheur·euse / journalistes

Suite à mon tweet, c’est donc l’explosion. Pour un compte twitter/x comme le mien, faire 15 000 likes, c’est colossal, et cela n’arrivera pas de si tôt. En est-il que suite à ma publication, de nombreux médias ont repris l’information et clairement, cela a permis de constater à nouveau ce qui circule beaucoup dans les milieux scientifiques à l’égard de certain·e·s camarades du milieu journalistique. En effet, même si mon tweet originel était principalement à but humoristique, il révèle, comme beaucoup d’autres, des pratiques de recherches et de veilles quotidiennes sur moult sujets. Me concernant, ici, c’est mon travail de veille sur les pratiques numériques chinoises qui fut médiatisé, un peu malgré moi pour ce cas très précis. Quel déplaisir que de se voir ôter de son propre travail par des entreprises journalistiques qui sont venues prendre nos captures d’écran à ma conjointe et moi-même pour se présenter comme étant les personnes ayant déniché l’info ou ayant la primauté sur l’info. Cela explique pourquoi aujourd’hui, dès que je donne un entretien, je valide immédiatement les conditions de citation dans les entretiens. Combien de fois me suis-je retrouvé devant un article ne citant même pas mon nom, après des entretiens qui durent parfois plusieurs heures, parce que le journaliste n’a finalement pas utilisé un seul verbatim… alors qu’en fin d’entretien, ce sont les mêmes qui nous remercient d’avoir pu clairement formaliser leur angle en les nourrissant de nombreuses informations, données scientifiques et connaissances ? Philippe Katerine a également repartagé la chose sur ses comptes Instagram et Red, mais contrairement aux autres, il n’est pas journaliste.

Pour rappel et à toutes fins utiles, les laboratoires de recherche sont notamment évalués sur la présence médiatique de leurs membres. Ce n’est pas le critère central des évaluations mais c’en est un. En choisissant d’invisibiliser les chercheurs et les chercheuses, la presse journalistique choisit de nuire à la recherche universitaire.

Merci à celles et ceux qui ont fait l’effort de me citer, parce que le sujet les intéressait vraiment ou par simple courtoisie. ⬛

esteban grine, 2024.

Les médias ayant cité le phénomène via nos partages à ma conjointe et moi

BFMTV : https://rmcsport.bfmtv.com/jeux-olympiques/il-y-a-une-energie-folle-pourquoi-les-jo-de-paris-reveillent-la-creativite-des-artistes-du-monde-entier_AN-202407310031.html

Konbini : https://www.konbini.com/popculture/jo-2024-depuis-sa-prestation-a-la-ceremonie-douverture-philippe-katerine-est-la-nouvelle-icone-des-reseaux-sociaux-chinois/

20Minutes : https://www.20minutes.fr/high-tech/by-the-web/4103766-20240730-jo-paris-2024-aquarelle-cosplay-chine-philippe-katerine-seduit-internautes-plus-creatifs

Demotivateur : https://www.demotivateur.fr/entertainment/jo-de-paris-2024-philippe-katerine-en-dionysos-l-artiste-schtroumpf-adore-des-chinois-40260

Le Soir : https://www.lesoir.be/613421/article/2024-07-31/jo-2024-philippe-katerine-est-devenu-une-star-en-chine

Le Parisien (qui a pris nos captures d’écran sans nous citer) : https://www.leparisien.fr/video/video-jo-paris-2024-philippe-katerine-lartiste-schtroumpf-devenu-star-des-reseaux-sociaux-chinois-30-07-2024-K4TE2Z5E5ZGOLIZ4CPKNFIRLUE.php

FranceTV Info (qui a repris l’information) : https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/jo-2024-un-judoka-se-blesse-en-celebrant-sa-medaille-philippe-katerine-coqueluche-des-reseaux-chinois-tour-d-horizon-de-ce-quatrieme-jour-olympique_6696393.html

La Provence (qui prend le tweet d’un compte ayant récupéré nos captures d’écran plutôt que de citer ce qui est finalement le travail de médiation de ma conjointe et moi) : https://www.laprovence.com/article/sports/1296129260997115/jo-2024-philippe-katerine-devient-une-star-en-asie-surnomme-lartiste-schtroumpf

Petit récit de recherche sur Beyond Good & Evil

Novembre est un mois spécial car c’est celui de la sortie de Beyond Good And Evil. Ce jeu est sorti quand j’avais 13 ans et il ne m’a jamais quitté depuis. Petit récit de recherche.

C’est ce jeu qui a nourri ma recherche d’expériences vidéoludiques parlant de thèmes comme l’empathie, la compréhension interculturelle, la biodiversité mais que disent les MediaStudies qui lui ont été consacrées ? 📚

🔎 * Jade, incarnation racisée de la Tomboy *
Contrairement à l’hypersexualisation de Lara Croft, Jade est présentée comme une tomboy, c’est à dire une femme dont les comportements ou les traits caractéristiques subvertissent les expectations de genres. Cela peut passer par un look androgyne, des comportements ou encore un vocabulaire qui se distinguent des représentations hypergenrées.

🔎 * Une complexité de dilemmes moraux *
Les jeux vidéo sont des espaces dans lesquels les joueurs et joueuses peuvent explorer en sécurité des dilemmes et des discours moraux. BG&E en est un exemple remarquable. Mary Flanagan et Helen Nissenbaum observent que le jeu ne présente pas un ennemi clairement défini dans le sens où le « camp du mal », rhétorique typique en temps de guerre, n’est pas clairement abordé de manière simpliste. A travers l’évolution de son récit, le jeu révèle une complexité et un soucis du détail révélant comment des systèmes deviennent « maléfiques » (pour reprendre Hannah Arendt) sans s’en rendre compte.

🔎 * La non-violence comme gameplay et comme structure de jeu *
Si BG&E propose des séquences de combats, ce n’est pas pour autant qu’il met l’emphase dessus. Son gameplay et son récit se déploie autour de l’identité de journaliste photographe de Jade. Tout un gameplay a été développé de sorte à récompenser les audiences à partir de la prise de photos. Cela se formalise par des interactions « meaningful », des éléments de récits, des situations humoristiques, etc. L’une des forces du jeu, c’est de ludiciser (c’est-à-dire rendre ludique) des comportements quotidiens empathiques, sensibles et finalement, profondément humain.

Voilà ! C’est la première fois que je fais un billet très « linkedin-core », c’est d’ailleurs là-bas qu’il a été publié pour la première fois aujourd’hui. J’espère que sa lecture vous aura plu et que cette petite synthèse vous intriguera pour ce qui concerne les jeux vidéo comme des expériences émotionnelles fortes. N’hésitez pas à me dire si vous souhaiteriez découvrir régulièrement ce genre de petite synthèse.

esteban grine, 2023.

🔺 Pour en savoir plus :
📔 Cordaro, D. (2007). The rhetoric of oppositional gender: Beyond Good and Evil as perspective by incongruity.
📔Flanagan, M., & Nissenbaum, H. (2014). Values at play in digital games. MIT Press.
📔Wilde, P. (2022). Beyond Good and Evil… and Gender and Humanism?: Exploring Jade as a Posthuman Protagonist. Reclaiming the Tomboy: The Body, Representation, and Identity, 187-208.