Une madeleine à la tortue

Une madeleine à la tortue

Joël Pannelay (Jok)

Plusieurs mois maintenant que je me demandais sur quoi écrire. De nombreuses idées sont passées.

Mon jeu préféré de l’enfance ? il est difficile de classer ce genre de souvenir sans hiérarchiser plus que le jeu lui-même.

Le jeu qui aura changer ma vision du média et aura conditionné une bonne partie de mes gouts dans ce domaine ? pourquoi pas mais il n’est pas tant relié à des souvenirs particuliers sur le moment qu’à la suite de mon parcours.

Pourquoi pas un jeu qui est marqué par la présence de mon frère ou alors associé à un récit d’adultes dans la même pièce qui se serait mêlé au souvenir du jeu lui-même pour lui donner une saveur particulière (j’en avait un bien sombre en tête).

Non rien de tout ça finalement. Puisque tout ceux-ci étaient ancrés dans le domicile parental j’ai fait le choix d’un souvenir différent, jamais totalement oublié mais bien recouvert par les années. Le creuser m’aura amené à repenser certains de mes choix d’adulte avec une nouvelle lecture (et sans doute un nouveau biais).

Le jeu au cœur de ce souvenir est Teenage Mutant Hero Turtles sur Nes. Cauchemar pour beaucoup d’enfants de mon âge, j’ai pour lui une tendresse très étonnante. Aucune forme de masochisme dans celle-ci, je n’apprécie pas particulièrement les jeux à la difficulté punitive (volontaire ou non de la part des créateurs). Cette tendresse est entièrement liée au contexte qui entoure la découverte et la pratique de ce jeu.

J’ai 7 ans lors de la sortie de ce jeu, livré en bundle avec la Nes je ne le possèderai jamais. Je joue sur une atari 2600 à l’époque et ce sera le cas jusqu’à l’arrivée de la megadrive quelques années plus tard. A ce même moment je rentre en classe de CE1 dans l’école de mon petit village du nord-ouest de la France. Ce village de 1000 habitants ou la diversité n’est pas un concept évident avec une seule famille non blanche. Cette rentrée de CE1 est marquée par l’arrivée d’un nouvel élève de mon âge, chose rare dans ce genre de village, jusqu’ici aucun changement de camarade de classe n’avait été à signaler depuis mes 3 ans et mon entrée dans la vie scolaire, passant les années avec la même quinzaine d’élèves. Ce nouveau s’appelle Mickaël et il a la particularité d’être noir. Tant de nouveauté en une seule personne, pas évident pour lui à priori.

A cet âge mes compétences sociales étaient assez limitées, je n’avais pas vraiment d’amis (au moins j’avais du temps pour jouer) et je n’étais pas forcément adapté à ce milieu rural. Ce nouveau est assez vite devenu un ami et le premier chez qui j’allais passer des après-midis à jouer aux jeux vidéo.

La maison ou il habitait dans le village, non loin de l’imposante bâtisse du maire du village, la disposition des pièces avec cette grande cuisine ouverte en face de l’entrée et juste à côté le salon, l’odeur du canapé en cuir sur lequel nous étions assis, toutes ces images et sensations sont encore présentes et la découverte de cette manette avec plus d’un bouton (je vous ai parlé de l’atari 2600 ?) me fascine par les possibilités qu’elle offre, tant de combinaisons possibles…

Plus que le jeu en lui-même, que nous ne finirons jamais malgré de nombreux essais les mercredi après-midi, c’est une ambiance qui reste et les activités associées. Nous alternions entre la console et d’autres loisirs, le football et la première fois (et la seule) ou j’ai essayé des chaussures à crampons pour aller jouer dans le jardin et la rue de ce quartier pavillonnaire de campagne dans laquelle les voitures étaient bien rares, des tours de vélos dans les quelques ruelles dans un périmètre de moins de 200 mètres autour de la maison, … tout un tas d’activités d’enfants normales mais nouvelles pour moi.

La marque de ces après-midis a été rendue encore plus importante par le départ dès la fin de l’année scolaire de cet ami d’enfance, que je ne reverrai jamais. Cette pratique du jeu a plusieurs deviendra une chose rare pour moi, ma pratique du jeu devenant assez solitaire jusqu’à la fin de l’adolescence.

Ce jeu fera un deuxième passage dans mon enfance, vers 13 ans j’ai échangé pour quelques semaines ma megadrive contre une nes avec un camarade du collège, et parmi la collection de jeux à ma disposition se trouvait celui de mes premiers souvenirs de cette console, Teenage Mutant Hero Turtle. J’ai assez peu joué aux autres et malgré une forme d’acharnement je n’ai pas réussi à vaincre ce jeu, bloqué par un technodrome récalcitrant à plusieurs reprises. Cependant la saveur de ce moment n’est pas la même, bien plus trouble, en solitaire, isolé du monde finalement. A cette époque je passe beaucoup de temps à jouer, passionné par l’objet vidéoludique et ses possibilités, l’arrivée proche de la 3D sur les consoles et sa présence effective dans les salles d’arcades me laisse entrevoir de nouveaux genres de jeux.

Deux expériences très différentes pour un seul jeu, sociabilisation et difficulté de sociabilisation pour deux périodes. Je préfère en retenir la première expérience qui est plus une optimiste, moi qui n’était pas le mieux intégré j’ai su être proche de quelqu’un qui apparaissait comme différent de tous. Tout inconscient que cela ait pu être, j’ai appris de la différence sans à priori. Allez vers l’autre est une chose que j’aime faire à présent, et savoir qu’un de mes premiers souvenirs de jeu est lié à cette attitude si longtemps perdue me rassure. Dans ces souvenirs je vois un enfant content de trouver quelqu’un avec qui partager, rien de plus.

Tout comme certaines chansons ou certains films sont rattachés à des souvenirs pour beaucoup de personnes, certains morceaux de moi sont attachés à des jeux. Ces liens sont les marqueurs de moments forts ayant laissé une empreinte dans ma vie. J’aurais pu citer beaucoup d’autres jeux ayant jalonné mon parcours mais celui-ci sort du lot et explique peut-être un peu ma volonté d’aller vers l’autre pour découvrir toujours plus. Je ne sais pas ce qu’est devenu Mickaël, ni s’il a continué à jouer ou s’il se souvient de ces sessions de jeu. Mais il reste une image de mon enfance intimement liée à ma découverte des jeux et de la sociabilisation.

Bien sûr il est toujours plus facile d’interpréter avec le recul de l’âge et d’essayer de voir ce que l’on cherche dans ses souvenirs. Cependant relire certains choix de vie à l’aune d’un souvenir qui au début de ce texte me paraissait plus anodin que bien d’autres me fait réaliser que cet exercice était plus difficile que je ne l’aurais cru. Me voilà à présent en train de chercher le nom de ce camarade de jeu éphémère.

Les tortues ninja si cruelles pour bon nombre de joueurs m’ont marqué pour tout cela, et elles continueront sans doute à le faire (oh ! un émulateur qui passe devant moi). Y rejouer pour finir de renouer totalement avec ce souvenir est maintenant une envie, peu importe les conditions de ces futures retrouvailles elles auront à présent une saveur encore plus forte.

Les Tambours de guerre

Les Tambours de guerre

Antonin Demeilliez

« Six ans ont passé depuis la première guerre entre les orcs et les humains… » Ce carton, comme une sentence, marque le début de la deuxième. Moi, jeune stratège en herbe, j’ai environ six ans quand je découvre, émerveillé, la cinématique d’introduction de Warcraft II en me disant que je n’avais jamais rien vu d’aussi impressionnant. La mer, les navires orcs, les humains et les elfes qui aiguisent leurs épées et chargent leur canons pour constituer un dernier rempart à la barbarie : tout dans cette cinématique d’introduction m’appelle à l’aventure. Je me suis lancé dans Warcraft II pour mener bataille, j’y ai trouvé la passion d’une vie : le jeu vidéo.

C’est à ma sœur de neuf ans mon aînée que je dois le fait d’avoir eu Warcraft II installé sur l’ordinateur de la maison alors que mes parents étaient à l’époque encore très réticents à l’idée de m’offrir une console de jeu. C’est ce contexte familial qui a scellé mon destin de « pécéiste » et je ne regrette rien, car au delà du jeu vidéo, c’est tout l’univers de l’heroic fantasy que le jeu de Blizzard m’a fait découvrir, La Communauté de l’anneau ne devait arriver dans les salles que deux ans plus tard. Warcraft II m’a donc fait découvrir les orcs, les elfes, les nains, les trolls, les gobelins, ainsi que la mélancolie et le souffle épique inhérents au genre. De bataille en bataille, de cinématique en briefing de mission, j’ai vu se dessiner sous mes yeux le destin d’un monde en proie au péril. J’ai vu les elfes mourir sous les coups de hache des grunts, les catapultes déchaîner leur feu sur les fermes ennemies. J’ai vu les cavaliers de la mort utiliser leur sombre magie, j’ai vu des navires tomber dans une embuscade au profit du brouillard poisseux qui régnait sur la mer, et j’ai vu Kadghar sceller le portail des ténèbres pour nous sauver tous.

A l’époque, je ne comprenais qu’une infime partie de l’intrigue du jeu. Je n’écoutais que d’une oreille le langage ampoulé du narrateur qui me donnait des ordres de mission bien complexes. Au bout du compte, il s’agissait toujours de vaincre son ennemi, de faire triompher le Bien sur le Mal (ou l’inverse) et je m’abreuvais des enchaînements de noms alambiqués des ogres, des mages et des forteresses qui, s’ils n’avaient que peu de sens pour moi, forgeaient en mon esprit tout un folklore, tout un univers. Car il en faut très peu pour un jeu de la fin des années 90 pour faire rêver un enfant en quête d’aventures et de mondes imaginaires. Peu m’importait que nous devions retrouver le crâne de Gul’dan ou que la forteresse de Stromgarde était le dernier bastion de l’humanité. Ce qui m’importait, c’était qu’un monde était en péril, et que les petites bouillies de trente-deux pixels de côté étaient des chevaliers, des archers elfes, des paladins, des lanceurs de haches trolls, des gobelins kamikazes. Ce qui m’importait, c’était que leur sort était entre mes mains, et que je devais bâtir un empire pour surmonter leur destruction.

Le genre de la stratégie temps réel n’est pas le plus accueillant pour un enfant de six ans. Qu’on se le dise, je ne me serais jamais attaché à ce point au jeu sans la présence des cheatcodes qui ont déterminé la majeure partie de mon expérience de Warcraft II. « Make it so », « On screen », « Hatchet », « It is a good day to die »… Presque vingt ans plus tard, je me souviens encore de ces cheatcodes que j’ai écrits et réécrits, tels des mantras, des formules magiques qui me donneraient le pouvoir de vaincre. C’était la magie de ces codes qui faisait de moi un arcaniste pouvant donner l’invincibilité et l’omniscience à mes troupes. D’aucuns diront que je n’ai pas vraiment joué à Warcraft II dans ces conditions. Soit. Je n’ai certainement pas eu l’expérience de jeu et le sentiment de péril que les game designers avaient imaginés. Et pourtant, malgré la simplicité enfantine que représentait le jeu une fois ma magie ayant opéré, j’y ai passé un temps considérable. Je me souviens des longues heures passées à m’user les yeux devant le cube cathodique qu’était l’imposant écran du vieux Packard Bell de mes parents tandis que la lumière du bureau se reflétait sur le ciel noir de la nuit qui perçait par le velux. Je me souviens développer méthodiquement toutes les améliorations du jeu, débloquer toutes les technologies de guerre possibles, et de lever des armées titanesques pour subjuguer mon ennemi, alors qu’un seul fantassin invincible aurait suffit. Je me souviens de cliquer frénétiquement sur les moutons pour les faire exploser, et pour écouter ce que chaque soldat pouvait avoir à me dire. Je me souviens avoir laissé un unique bâtiment ennemi en vie lors d’une mission pour pouvoir prendre le temps d’envahir le moindre îlot de la carte avec mes bâtiments. Bref. Les cheatcodes m’offraient la paix pour préparer la guerre. En brisant les règles, Warcraft II devenait un jouet, un bac à sable qui pouvait se plier aux délires mégalomanes d’un enfant introverti.

A quoi bon s’encombrer de la défaite ? A quoi bon chercher une victoire qui sera souillée par le sceau de « Tricheur ! » sur l’écran des scores ? Ce que je voulais à l’époque c’était me plonger dans cet univers sombre et magnifique, c’était savourer le jeu comme un tableau que l’on admire sans s’en lasser, pour en voir tous les détails, en comprendre toutes les nuances. Bien évidemment, je livre ici la vision rétrospective d’un jeune adulte ayant été éduqué à l’analyse d’art. Je ne me doutais pas à l’âge de six ans que j’étais en train de m’initier à la contemplation et à la mélancolie. Et pourtant, il fallait bien de la contemplation et de l’imagination pour croire à toute cette histoire, pour voir des personnages au milieu des sprites grossiers et des mêmes lignes de dialogue qui tournaient en boucle. Il fallait bien de l’imagination pour voir un monde au delà des frontières de la carte, au delà du brouillard de guerre, des arbres minuscules posés sur des sols monochromatiques sans aucun relief et des paysans plus grands que leurs fermes. Heureusement il y avait les musiques. Ha, les magnifiques musiques signées par Glenn Stafford ! Qu’aurait été ce jeu sans ses morceaux qui appelaient tous à l’aventure ? Eux qui portaient tout l’épique et toute la tragédie de l’univers de Warcraft avec ces cuivres qui nous invitaient à chevaucher dans les plaines désolées d’Azeroth, ces cloches qui sonnaient comme un glas pour ces héros qui tomberaient vaillamment au combat, ces harpes envoûtantes qui nous rappelaient que tout cela n’était que fantaisies et légendes… Et évidemment, ce sont ces musiques qui aujourd’hui éveillent en moi la nostalgie de mes soirées passées devant le jeu.

Il y a trois ans je lançai ma première partie de Hearthstone, et quelle ne fut pas ma surprise quand j’ai entendu retentir les musiques de Warcraft II au moment de la recherche d’adversaire. Le son était nasillard, comme provenant d’un phonographe et ces sonorités qui avaient bercé mon enfance revenaient à moi comme une relique du passé. Ce qui ne devait être qu’un easter egg pour le studio s’est transformé pour moi en un véritable hommage à l’héritage d’une saga démarrée il y a vingt ans. Cela a provoqué en moi l’envie de me replonger dans le jeu et dans sa suite, Warcraft III, tout comme chaque bande annonce d’une nouvelle extension de sa déclinaison en MMORPG, tout comme l’adaptation cinématographique sortie au printemps 2016, tout comme ma nouvelle passion pour Starcraft II… Tous ces éléments qui vibrent en moi et qui me rappellent à quel point Warcraft II a été déterminant dans ma constitution en tant qu’être humain. Il est certainement la raison pour laquelle j’ai commencé à jouer aux jeux vidéo, la raison pour laquelle je ne me suis jamais arrêté d’y jouer, d’écrire à leur propos, de les considérer comme un art, et la raison pour laquelle aujourd’hui je veux en faire mon métier. Me serais-je intéressé au gameplay émergent et au speedrun si je n’avais pas transformé un jeu complexe en simple jouet à l’aide de codes ? Aurais-je aujourd’hui l’amour des univers de l’imaginaire et du jeu de rôle si je n’avais pas été bercé par ces histoires de guerres millénaires entre les orcs et les humains ? Serais-je aujourd’hui passionné d’esport si mes premières amours ludiques n’avaient pas été sur le jeu de stratégie de Blizzard ? Je ne le saurai jamais, je ne peux que me contenter d’imaginer, de cette imagination que j’ai forgée en jouant à Warcraft II. Imaginer et me souvenir, et surtout jouer, encore et toujours, pour essayer de rester cet enfant émerveillé.

Epoch-Man et moi

Epoch-Man et moi

Raphaël Lucas

Je suis de la génération Starfighter/Dragon’s Lair, de cette génération d’enfants qui s’imaginaient tour à tour sauveurs de la planète/princesse ou hacker ingénieux. Nous n’étions que des proto-geeks, souvent moqués, s’échangeant et feuilletant avidement des listings en Assembleur, rêvant d’écrans monochromes qui de nuit repeindraient nos visages de lignes de code. Devenir code. Oui, avec ce curseur en attente, toujours clignotant dans le coin de l’œil : une invitation. Et il y avait les jeux, électroniques puis vidéo, les bornes d’arcade dans lesquels mon frère et moi déversions des dizaines de francs tous les mois : Ô, Ghost’n Goblins comme je t’ai haï pour tous ces comics, Titans et Special Strange, ratés par manque d’argent… Se souvenir de cela, c’est ouvrir des boîtes. Car les souvenirs sont des boites, des tiroirs, des pièces et greniers aux parois fines, poreuses, s’interpénétrant. Ce sont des lieux-moments. Et certains de mes lieux-moments sont pleins de jeu vidéo. On glisse, saute de l’un à l’autre en suivant des généalogies propres, subjectives. On en remonte chaque cours au gré d’images d’abord en vrac, désordonnées, puis de plus en plus construites, structurées, chaque détail (réel ? imaginé ?) reprenant sa place, celle dont on croit se rappeler. Et, comme la balle de Tennis  for Two, tout est en rebond constant, en aller-retour : d’un jeu à l’autre, d’une pièce à l’autre, d’un moi à l’autre. Saisissez cette balle, et BOUM !, la mémoire s’emballe, déballe l’éventail chaotiques des expériences passées.

Là, aujourd’hui, il y a ce moi adulte, 43 ans, yeux collés à l’écran de télé HD, Polybius, le dernier Jeff Minter, qui y déroule à une vitesse insensée ses couleurs psychédéliques et ses références à un passé vidéoludique lointain : des (Space) Invaders, le scritttchhh, sccriiiiiiitcchhhhh d’un ZX Spectrum lisant une cassette. Et le tout fonce dans des couloirs clos, fermés. Nous sommes Un -Moi/je/jeu- propulsé de plus en plus vite, oui, de plus en plus immergé, happé, noyé. Le monde extérieur s’efface, n’est plus qu’une ombre. Je n’existe plus. Je ne suis même plus ce vaisseau-avatar. Je ne suis plus que pulsation, qu’accélération, que cette adrénaline qui se déverse en moi. Et puis l’épiphanie, l’illumination, le clac sec (clac !) dans le cerveau. Comme une porte, comme un passage oublié qui se déverrouille, ramène à un lieu-moment, à un lieu-passé. Brique après brique tout se reconstruit à l’intérieur, dans ce manoir des moi (s), ce grenier dit (David) Lynch, où l’on case, enfourne, bourre toutes les expériences du passé, les nous de ces moments-là. Moi, expérimentant Polybius, aujourd’hui. Puis, moi, terminant/jouant à/souriant devant Call of Duty, Gradius V, Planescape : Torment (ô, toi !), Baldur’s Gate, Final FantasyVII, R-Type, Thunder Blade, Strider, Ishar, Miracle Warriors, à différentes époques, dans différents appartements, différentes chambres ou maisons, toujours rebondissant d’un lieu, d’un souvenir, d’un moi à l’autre. Et puis l’arrêt, net. Un moment précis, plus clair, plus défini. Ce n’est pas le souvenir du premier contact, plus lointain, arcade sans doute. Non, cette réminiscence est plus importante, un moment gravé jusque dans mon corps, jusque dans cette image que je présente au monde.

Là, dans cette pièce, dans cette boîte, il y a moi, enfant, dans une cour d’école pendant une récréation, mains moites, les pouces s’agitant sur les boutons argentés d’Epoch-Man. Un vague clone de Pac-Man sous forme de Game & Watch. C’est le printemps. Peut-être. Je suis en CM1 ou CM2. A force de jouer les quatre boutons présentent des traces de rayures, et de leur peinture commence à s’effriter. Je suis assis contre un des pylônes de béton froid qui soutient le préau de l’école Jean-François Regnard à Dourdan. Il y a quelques mois, je me suis cassé une incisive définitive sur un de ces pylônes. J’en porte encore la trace, la brisure, cachée sous une couronne. Cette course, ce jeu de chat qui se termine à terre pour moi – fondu au noir-, je le revois à chaque fois que je souris dans un miroir… La passé, le présent… Epoch-Man, Epoch-Man. Revenir à Epoch-Man. Le concept est simple : à chaque écran nettoyé de ses fruits, la vitesse du jeu accélère. De plus en plus vite, toujours de plus en plus vite. Cette partie, je ne l’ai pas commencée sous ce préau où rebondissent les sons des pas, les cris et les rires. Elle a débuté le soir précédent, au calme, dans le canapé de notre salon. Je revois encore ses accoudoirs généreusement bourrés, ce coin dans lequel je me lovais. Pas de son, si ce n’est ceux d’Epoch-Man, et le téléviseur gros cul qui ronronne. Sans doute pressé d’aller me coucher, j’avais mis le jeu en pause. Ce n’était qu’une partie comme une autre, comme des dizaines d’autres. Elles finissaient toutes invariablement par un game over.

Mais sous ce préau, assis, au milieu du bruit, au milieu de la vie, adossé à ce pylône froid, tout a changé. Ici, il y a un impératif de temps : la durée limitée de la récréation. Une quinzaine de minutes avant que le sifflet ne résonne. Vite, faire vite.

Au bout d’un moment, à force d’accélération, les sprites finissent par disparaître, par se confondre, se mélanger devant mes yeux. Les vies engrangées lors des premiers passages tombent alors l’une après l’autre. Le monde, les rires d’enfants, les paires de jambes qui rebondissent sur le bitume à chaque saut de corde et les silhouettes qui courent en hurlant s’effacent, n’existent plus. Il n’y a plus que nous, Epoch-Man et moi. Plus que ces personnages en cristaux liquides, plus que ces deux ponts rouges sous lesquels je me cache, alors que les fantômes clignotent, parcourent le labyrinthe à toute vitesse. Il n’y a plus rien que cette liaison, ce flux, ce flow, et moi connecté sur la même longueur d’onde qu’Epoch-Man, comme partie d’un même système action-réaction. Mes yeux sont grand-ouverts. Il n’y plus de place pour un cillement.

Et puis, l’arrêt brutal de la partie. XXXX s’affiche en haut de l’écran. Le score maximal. Affaissement total du corps. Le vide, puis un grand sourire quand je comprends. J’ai dix (onze ?) ans, je viens d’expérimenter ma première transe hypnotique. Il n’y aura jamais de score plus haut, jamais d’expérience aussi intense sur Epoch-Man que dans cette cour de recréation, là, alors que lui et moi nous nous sommes échappés du réel. D’ailleurs, j’abandonnerai plus ou moins le jeu peu après.

Depuis, j’ai couru après cette expérience, une recréation de cette expérience, cette perte de soi dans un système. Oui, devenir flux, devenir flow, fluide. Pulsation. Ca a été TxK plus tard, lors un vol longue durée vers les Etats-Unis, avec cette sensation d’être en double apesanteur- le cerveau qui semble flotter à l’intérieur du crâne, une perte de repères-, et aujourd’hui Polybius, ce jeu « inspiré » d’une rumeur urbaine, cette borne d’arcade crée par la CIA pour contrôler l’esprit des joueurs. Alors que j’écris, Nex Machina : Death Machine a pris sa place, obsessionnel, compulsif, addictif, impossible à ranger tant qu’on n’a pas atteint le score maximum, tant qu’on n’atteint pas cet état de transe, cette concentration intense qui implique tout le corps. Séparés par plus de trente-trois ans, ce moi-enfant et le moi-actuel, nous nous retrouvons toujours là, dans cette vitesse, dans cette pression, dans cette perte de soi, dans cette transe. Oui, deux Starfighters propulsés vers les étoiles.

Ma Futur Madeleine.

Ma Futur Madeleine.

Valentin Fruneau

Ceci est mon témoignage.

Pas une analyse introspective de mon expérience vidéoludique passée.

Non, ceci est mon témoignage personnel.

Il sera rempli de questions, mais peu de réponses seront données.

Allégorie de la vie.

Haha !
Non.

Par souci de confort, cher lecteur, lectrice, je vais te tutoyer. Ça va être plus sympa.

 

Comment commencer une « contribution » ? Va savoir… Je devrais probablement parler de moi puis faire une brève présentation de l’œuvre sur lequel mon texte s’appuie. Mais tu sais quoi ? Je ne nommerai pas le jeu.

Pourquoi ? Merci de poser la question.

 

Parce que je pense qu’il n’a pas tant d’importance que cela, enfin si, mais non, dans la réflexion que je souhaite entreprendre avec toi ce ne seras pas le cas. Il aurait pu être tout autre, parfois je le souhaiterai d’ailleurs, je préfère son successeur maintenant.

Mais peut-être qu’au fur et à mesure de ta lecture tu pourras dessiner les contours de l’œuvre dont je parle et arriver même avec une certitude toute relative à le deviner, dans ce cas-là : soit pas trop fier il est quand même très connu…

 

Tout mon témoignage sera axé sur une idée.

Celle de la Fin.

 

DéFinition :
Fatalité de la finitude façonnant notre fascination fatidique pour la féérie factice des formes et fonctions fidéoludique.

Parce que le jeu dont je vous parle n’est sûrement pas le premier auquel j’ai dû m’adonner, j’ai des souvenir éparses d’autres titres que j’ai parcourus. Mais celui-ci m’a marqué car c’était le premier que je terminais.

 

Bref passons au vif du sujet.

Ce que j’ai choisie de faire partager par mes écrits, et ce que je vais t’en bien que mal essayer de décrire, c’est le sentiment que j’ai ressenti lorsque, étant jeune, j’ai finis mon premier jeu-vidéo…

Là. Seul face à mon petit écran cathodique, tenant la manette entre mes mains moites, après des heures de jeu difficile, après un boss de fin épique et un épilogue onirique, voici que pour la première fois je vois l’histoire d’un jeu arriver à terme.

Plénitude mélancolique… [fusion_builder_container hundred_percent= »yes » overflow= »visible »][fusion_builder_row][fusion_builder_column type= »1_1″ background_position= »left top » background_color= » » border_size= » » border_color= » » border_style= »solid » spacing= »yes » background_image= » » background_repeat= »no-repeat » padding= » » margin_top= »0px » margin_bottom= »0px » class= » » id= » » animation_type= » » animation_speed= »0.3″ animation_direction= »left » hide_on_mobile= »no » center_content= »no » min_height= »none »][ Insérer Musique Triste ]

 

Bientôt fini !

Bientôt fini !!

Bientôt fini !!!

Fini.

 

J’ai lu quelque part ( des sources ? Haha ) qu’une majorité de joueur ne finissais pas une majorité de leurs jeux. Je suis de ceux-là.

Pour un tas de raisons, pseudo-excuses ou réelles causes. Jeux trop difficile, gameplay inintéressant, multijoueur uniquement, durée de vie trop longue, rogue-like, etc…

Mais alors qu’elle est l’impact de ce premier jeu sur moi ? En a-t-il eu vraiment un ?

En réfléchissant à ce que j’allais dire je voulais extrapoler en disant que malgré la difficulté du Temple de l’Eau, du scénario simpliste et d’un rythme pas toujours irréprochable j’ai finis ce classique des années 90 avec une certaine amertume non pas venue du jeu mais du fait même de le finir.

 

Tu as trouvé ?

Ocarina of Time.

Bravo, le suspense est mort.

Et donc… Comment développer… ?

Dans le texte initié pour introduire les règles des contributions il y avait une question : « Etes-vous capable de traduire à l’écrit l’émerveillement ressenti devant votre premier jeu vidéo ? »

Spoiler : Non.

Je suis nul pour ça.

J’admire tellement les personnes arrivant à structurer leurs pensées chaotiques pour coucher sur un papier numérique leurs réflexions, leurs sentiments, etc…

 

A chacune de mes relectures j’ai l’impression que ce qui ai écrit ne mérite pas d’être lu. Surtout qu’en essayant de m’approcher de cette niche de passionnés de Jeux Vidéo qui est présent sur internet j’ai pu m’apercevoir des talents qui vont participer à cette madeleine vidéoludique et je sais que je n’ai clairement pas le même niveau.

C’est pour ça que j’écris avec une spontanéité maladroite sur un sujet qui ne m’inspire pas vraiment. Je vais être honnête, je ne suis pas quelqu’un de très nostalgique, mes premiers jeux vidéo ne m’ont pas plus marqué que ma première partie d’échec ou de belote.

J’ai redécouvert les jeux vidéo il y a quelques années de cela avec Antichamber, un jeu d’Alexander Bruce, un jeu d’auteur, un jeu qui m’a parlé sans que je puisse vous dire de quoi, sans que je puisse vous dire comment. Depuis c’est ce que je recherche : la communication.

Avoir un auteur qui essaye de me faire passer un message, pouvoir avoir une interprétation d’une œuvre et espérer être dans le vrai, ressentir les émotions que l’auteur voulait transmettre. Plusieurs autres jeux m’ont fait cet effet. Hotline Miami de Jonatan Söderström and Dennis Wedin avec sa dénonciation de la violence nihiliste et autodestructrice, Hyper Light Drifter de Alex Preston et sa retranscription de la lutte onirique pour un espoir vain, Braid de Jonathan Blow pour aussi tout un tas de raisons.

Revirement de situation : Je vais vous parler d’un jeu qui est ma future madeleine vidéoludique.
Oui ce jeu n’est même pas encore sorti et pourtant c’est celui-ci qui m’a fait passer d’un stade d’adolescent à un stade plus adulte dans mon approche du médium.

HORS SUJET / 20

C’est le 18 Juin 2015 ( soit environs deux ans au moment où j’écris ses lignes ) qu’a été présenté le jeu Relativity. Titré « L’Héritier spirituel d’Antichamber » sur IndieMag. Il avait tout pour me plaire, pour me parler : un jeu développé par une seule personne, un gameplay atypique, un design original et épuré, un univers singulier. Bref j’étais tombé amoureux.

J’ai donc entrepris de me renseigner sur le développement et le créateur, William Chyr.

J’ai commencé à le suivre sur les réseaux sociaux et presque un an plus tard je me suis inscrit sans vraiment y croire à la « Closed Beta » ( Première version d’un jeu accessible uniquement à un petit groupe en vue d’avoir des retours sur les différents problèmes et/ou suggestions. ).

 

Et je suis sélectionné !!! \o/ 😀

 

C’est une première pour moi, pouvoir accéder à un jeu en avant-première mondiale, un jeu qui pour sûr me plaira ! Je galère donc en anglais pour communiquer via le forum itch.io mis en place pour cette Beta. Nous sommes plus nombreux que je l’espérais.

Quelques messages échangés, au fur et à mesure que découvre le jeu j’apprends en parallèle à connaitre William Chyr. Et là il y eu le déclic.

En Janvier de cette année j’ai sauté le pas et je me suis inscrit à Twitch non seulement pour pouvoir le soutenir modestement par une petite contribution financière mais en plus pour pouvoir assister et réagir à ses « DevStream » ( Diffusion en direct de session de développement, souvent commenté ce qui offre une bonne occasion d’échanger. ), peu à peu je me détend et je prends plus de confiance en moi pour poser différentes questions, aussi bien sur le jeu, sur le marketing mais également plus personnel. Je connais un auteur, et il me reconnait aussi…

En me connectant il me dit « Bonjour Thymaos ! » dans un français plutôt approximatif et teinté d’un accent américain légèrement prononcé. Je peux discuter de tout et de rien, il n’est pas une star du web donc nous sommes souvent peu à dialoguer avec lui, ce qui rend les échanges encore plus unique.

 

Te considère-tu comme un artiste ?

Quel sont les œuvres et auteur qui ton inspiré ?

As-tu eu déjà envie d’abandonner ?

Pourquoi avoir renommé ton jeu « Manifold Garden » ?

Quel message veux-tu transmettre à travers ton œuvre ?

Dans le niveau 3 pourquoi tu as fait ça comme ça ?

 

Personne de mon entourage n’est passionné par les jeux vidéo. Quand je raconte mon expérience il me sourit un peu bêtement mais gentiment et ne réalisent pas ce que cela implique pour moi.

Cette expérience est une prise de conscience. Les auteurs des jeux qui m’ont marqué ne sont pas inaccessibles. Je peux les remercier pour les heures passées. Je peux envoyer un message à Toby Fox ( créateur d’Undertale ) et lui dire à quel point son jeu m’a parlé. Il ne répondra peut-être jamais, ne lira peut-être même pas mon message mais… Je ne sais pas… C’est important pour moi.

 

Enfant je jouais à Ocarina of Time et c’était divertissant.

Adolescent je jouais à Antichamber et c’était passionnant.

Adulte je joue à un tas de jeux et je suis… Reconnaissant.

 

PS : Désolé si je n’ai pas répondu aux problématiques, certains n’ont pas encore de madeleine vidéoludique, d’autres comme moi la vive maintenant. Je ne sais pas si ce qui est entendu par « madeleine vidélodique » doit forcément être expérimenté en étant enfant, si celle-ci doit forcément être une œuvre achevée et déjà passée. Ce qui est sûr en revanche c’est que dans 50 ans quand j’aurais oublié ma difficulté à écrire tout se texte je n’aurais pas oublié les quelques conversations avec William.[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Temps mort et Coup de fourchette

Temps mort et Coup de fourchette

Akaash (un bot pourrait faire ça)

Quand j’ai lu l’appel à participation je n’avais jamais fait l’expérience d’une « madeleine vidéoludique ». Je n’y avais même jamais pensé, est-ce que c’est seulement possible ? Je me suis mis à repenser à tous les jeux auxquels j’ai pu jouer dans mon enfance, mon adolescence, l’année précédente et celle d’avant, hier, le mois dernier. J’ai alors joué. À la recherche de cette sensation, de ce retour en arrière, j’ai joué. J’ai joué beaucoup et j’ai joué à tous ces jeux qui m’ont accompagné, à tous ces jeux dont je me souvenais, dont je savais avoir une histoire, un souvenir marquant, me reliant à eux. J’ai joué pour tenter de raviver des souvenirs, des sensations, des émotions.

Méthodiquement, régulièrement, j’ai rejoué pour me souvenir. J’ai rejoué aux Schtroumpf sur Game Boy, mon tout premier jeu vidéo, longtemps mon unique jeu vidéo. J’ai rejoué à Pokémon Or pour me souvenir du choc que j’avais eu en admirant ces couleurs, vives, saturées, magnifiques. J’ai rejoué à Sonic Shuffle pour tenter de faire revivre une amitié éteinte depuis de longues années. J’ai rejoué à Golden Sun commencé dans le train en direction des vacances d’été et finis pendant le retour à l’école. J’ai rejoué à Super Mario Bros. 3 que je jouais uniquement chez mes grands-parents. J’ai rejoué à Subway Surfer, le premier jeu qui m’a été conseillé par ma sœur que je ne savais pas joueuse. J’ai rejoué à Counter Strike pour me souvenir du parfum de l’école buissonnière avec les copains. J’ai joué à Kirby’s Dream Land, à Doshin the Giant, à Time Splitter 3, à Ape Escape, à Tekken 3, à Final Fantasy Dissidia, j’ai rejoué à tous ces jeux qui ont jalonnés ma vie, dans l’espoir de faire ressurgir le passé.

Mais le souvenir est resté lointain et flou. La « madeleine » n’est pas arrivé, pire, j’ai eu l’impression de fabriquer de nouveaux souvenir avec ces jeux. J’ai eu la sensation d’effacer les contextes heureux dont je me souvenais par cette quête de la recherche du souvenir. J’ai eu peur d’effacer ces souvenirs précieux et de perdre à tout jamais la possibilité de les faire revivre. J’ai arrêté de chercher cette « madeleine ».

Et finalement c’est arrivé. De façon inattendu : c’est en regardant une vidéo que c’est arrivé. peut-être que mon esprit cherchait encore, peut-être que ce fut un simple hasard. C’était une simple vidéo sur youtube que j’ai regardé en fin d’après-midi. Je n’étais pas forcément très concentré et je crois que je pensais surtout à ce que j’allais manger le soir même. Il a fallu peut-être une image, peut-être une séquence de gameplay, pour me projeter instantanément une année en arrière. J’ai enfin expérimenté ce retour des émotions et des souvenirs tant désirés. Et pourtant quand c’est arrivé j’aurais voulu que ça n’arrive pas.

J’ai été projeté lors de ma rencontre avec Downwell.

J’ai été projeté pendant ma dépression.

Ironiquement, c’est une vidéo qui m’a poussé à acheter Downwell, je ne me souviens plus précisément laquelle, pendant cette période j’en regardais énormément. Des vidéos, des films, des séries. Je les regardais parce que ça me permettait d’être ailleurs, de ne pas penser, d’être absent. Le corps inerte et l’esprit entièrement absorbé par ce qui se passait sur l’écran. Je me souviens que je privilégiais surtout les séries : de longues heures où je regardais sans voir le temps passer. De longues heures sans l’angoisse du retour à la réalité, passant simplement d’un épisode à un autre. En repoussant encore et encore ce moment où « c’est fini », ce moment où je me remets à exister, où la dépression inondait le flux de mes pensées. Le corps plus ou moins inerte, l’angoisse tiraillant l’estomac, sensation de vertige, de vide, détestations.

Ce sont toutes ces émotions, ces sensations, ces tiraillements qui me sont revenus en regardant la vidéo. J’avais oublié ce que ça faisait, quand c’est aussi fort, quand c’est aussi présent. Ça m’a submergé en un instant. J’ignore ce qui est à l’origine de ce retour en arrière. peut-être est-ce l’image de ce personnage blanc sur un fond noir. peut-être est-ce voir Downwell en vidéo, peut-être que c’est une séquence de gameplay, peut-être la musique, ou autre chose. Je l’ignore.

Bien sûr, avant ça, je me souvenais très bien avoir joué à Downwell. C’est d’ailleurs un jeu que j’ai souvent recommandé à des amis. Je savais avoir joué longtemps. Je me souvenais parfaitement du jeu, mais j’avais oublié le contexte.

Et si le retour de ce souvenir a été effrayant dans l’instant, il m’a fait comprendre l’importance qu’a eu ce jeu dans la rémission de ma dépression et m’a fait comprendre pourquoi j’ai une affection particulière pour lui malgré le contexte de la rencontre. Ça m’a fait comprendre, pourquoi, je continuais de le recommander et pourquoi je m’en souvenais, au contraire de tous les films, toutes les vidéos et toutes les séries que j’ai regardées au même moment.

Je jouais à Downwell sporadiquement, par session courte, sur mon téléphone. Souvent quand je perdais je relançais une, peut-être deux, parties et j’arrêtais. Il y avait toujours un film en même temps, en continu, parfois au centre de mon attention, parfois simplement en fond quand je jouais. J’ignore pourquoi Downwell m’a autant captivé. peut-être que j’y ai trouvé une métaphore de ma situation, peut-être que les niveaux sombres ne me faisait pas mal aux yeux, peut-être que j’ai simplement aimé la simplicité apparente du gameplay. Je ne m’en rappelle plus.

Mais je me souviens y avoir beaucoup joué. Descendre dans le puits, perdre, recommencer, encore et encore. Plus je faisais de parties et mieux j’appréhendais les monstres. Je contrôlais mes atterrissages sur leurs dos, je contrôlais de mieux en mieux ma descente, de plate-forme en plate-forme. J’avais mes upgrades préférés. Et après de très nombreuses tentatives, je suis enfin passé au deuxième niveau, puis en encore plus de temps, au troisième. Rétrospectivement, je crois que plus j’arrivais à passer les obstacles et les niveaux, plus je reprenais confiance en moi. Progressivement, petit à petit, sans m’en rendre compte. J’arrivais à quelque chose, même si ce fut dans un jeu vidéo, même si ce fut aussi insignifiant que de passer un ennemi, j’arrivais à faire quelque chose. Je faisais quelque chose et je réussissais.

Plus je progressais dans les niveaux et plus j’avais « l’habitude » des premiers niveaux. Je les passais alors avec toujours plus d’aisance. Je jouais ces niveaux machinalement, presque mécaniquement, et dans ces moments, je n’étais pas entièrement absorbé par le jeu et je laissais mon esprit divaguer. Dans ces moments-là, j’étais dans un état qui me permettait de me projeter dans l’avenir, de recommencer, timidement, à imaginer des projets, de retrouver l’envie de faire quelque chose, le temps de passer quelques ennemis prévisibles. Je reprenais le contrôle petit à petit.

Je n’ai jamais rejoué à Downwell et je n’ai jamais atteint le boss final. Je ne me souviens pas de la « fin » de ma dépression et je ne me souviens pas non plus du moment où j’ai désinstallé le jeu. peut-être que je me suis lassé du jeu, peut-être l’ai-je désinstallé en me disant que « comme ça, j’arrêterais de passer autant de temps à jouer ». L’ingratitude du joueur n’ayant pas, encore, conscience de ce que le jeu lui a apporté.

Je cherchais à me souvenir des bon moments, des moments que je savais fort et agréables, et pourtant cette « madeleine vidéoludique » est arrivé d’un recoin que j’ai cherché à oublier et m’a rappelé à quel point le jeu a été important pour moi. Les jeux vidéo ont jalonnés et continuent de jalonner ma vie, mais je crois qu’aucun autre jeu n’aura eu autant d’impact sur ma vie que Downwell.

Un Zelda stéréoscopique

Un Zelda stéréoscopique

Yannick Rochat

Un ami de mes parents nous avait prêté Zelda II : The Adventure of Link, sur NES. On y trouve des éléments de gameplay qui ne seront pas repris dans les jeux suivants, ce qui suffit généralement pour qu’il soit considéré à part. Pour notre plus grand bonheur, cette connaissance de la famille oublia de le récupérer.

Enfant, j’ai vécu la majorité de mes week-ends et de mes vacances en retraite à la campagne. Avec mes parents et mon petit frère, chaque vendredi en fin de journée nous embarquions dans la voiture familiale et quittions la ville. Après vingt minutes tout d’abord à traverser des quartiers résidentiels, puis plus tard à longer pâturages, rivières, voies ferrées et collines, nous arrivions à la ferme de mes grands-parents. Lorsqu’il s’agissait des vacances scolaires, nous emportions même la NES avec nous. Quelques années plus tard, quand nous reçûmes une Nintendo 64, la vénérable console grise alla définitivement se mettre au vert.

Mes grands-parents n’eurent que deux petits-enfants. Nous étions évidemment toujours les bienvenus, au point de nous rendre chez eux chaque fois que l’occasion se présentait. Là-bas, mon frère et moi devions trouver des occupations : jouer dans le jardin, parcourir les innombrables livres de la Bibliothèque Rose et Verte de ma mère, ou partir en exploration dans l’immense grange. Auparavant, cette ferme avait accueilli des animaux, mais au moment de l’occuper mes grands-parents avaient préféré rénover les pièces consacrées au logement, louer les champs au fermier voisin, et laisser la grange à l’abandon. Dans celle-ci et depuis plus d’un siècle, la poussière s’accumulait sur les faux, fourches, bêches, râteaux, pelles et scies d’une autre époque.

La série des Legend of Zelda compte une vingtaine de jeux, la plupart de grande qualité. Dès sa sortie, l’épisode initial connut un immense succès. Alors que des éléments de gameplay que l’on a vus revenir dans la plupart des jeux de la série n’étaient pas encore formellement identifiés, il fut décidé d’explorer de nouvelles directions pour le second épisode. Les phases d’action passèrent d’une vue de dessus à une vue latérale, un système de points d’expérience fut introduit et plusieurs niveaux d’observation définis. Cela se répercuta sur le gameplay : lors des déplacements sur la carte du monde en vue de dessus, il ne fut plus permis d’attaquer, tandis qu’en entrant dans un lieu (palais, villes, grottes, pont) le jeu basculait vers de la plateforme. Cette dernière orientation offre la possibilité de croiser le fer avec des ennemis ou de s’entretenir avec les personnages non-joueurs lorsqu’on est en ville. Grâce à une maniabilité très souple et réactive lors des combats, ces derniers sont d’ailleurs véritablement prenants et la difficulté du jeu croît au fur et à mesure que de nouveaux pouvoirs sont acquis : attaques vers le haut, vers le bas, et divers types de magie.

À la retraite, mes grands-parents quittèrent la ville et vinrent vivre à l’année dans cette ferme. Là-bas, mon frère et moi-même n’avions aucune raison de nous sentir concernés par les occupations des adultes, soit la sieste, le bricolage, le jardinage, la cuisine et l’apéro. Nous, nous réalisions le rêve de tous les parents : nous passions la majeure partie de notre temps à l’extérieur. La ferme était entourée de champs où poussaient selon les saisons des tournesols ou d’immenses plants de maïs formant des labyrinthes où nous perdîmes une année notre unique balle de baseball. Plus bas coulait une grande rivière où immanquablement nous allions construire des barrages. Dans toutes les directions, couvrant vallons et collines, s’étendaient champs, forêts et marécages à perte de vue.

L’évolution des graphismes et des mécaniques de jeu ainsi que la gestion d’une dimension supplémentaire en passant du premier au second épisode de la série «The Legend of Zelda» frappe dès leurs écrans-titres. Le jeu original nous accueille avec un logo placé au-dessus d’une cascade jaillissant de la montagne, le tout devant un fond saumon uni et vide. Le second jeu quant à lui dévoile une épée enfoncée dans un surplomb en altitude, et ajoute derrière ce premier plan une terre couverte de forêt, l’océan, puis au-dessus un ciel nocturne scintillant d’étoiles et même traversé par une étoile filante. Cet écran d’introduction invite dès le départ à se représenter une dimension supplémentaire, à concevoir un espace présent mais invisible derrière chaque situation, qu’il s’agisse d’élévation lorsqu’on se situe sur la carte, de profondeur lors des phases de plateforme, ou simplement de se représenter le contexte où se déroule l’aventure. On retrouve cette manipulation dans certains des épisodes suivants, par exemple lorsque Link atteint l’extrémité nord du monde du jeu et que l’on découvre un décor au fond, derrière le jeu, telle la mer dans Link’s Awakening. Le monde du jeu s’inscrit dans un univers plus grand, où se déroulent probablement d’autres histoires. La joueuse ou le joueur se charge de combler les dimensions non représentées à l’écran et de magnifier les sprites par ce qu’il ou elle observe alentour dans la vraie vie, par les visuels présents dans le matériel du jeu (emballage, manuel, poster), ou par des souvenirs personnels.

Après le repas, mon frère et moi-même avions l’habitude de monter sur nos vélos pour partir à l’aventure : chapelles, cimetières, offices de poste et laiteries abandonnés, fontaines, points de vue depuis des crêtes, rivières au fond des vallées : tout était sujet au dépaysement et à l’émerveillement. Les vélos laissés à l’orée d’une forêt, nous l’explorions, parcourions ses étendues de mousse et de feuilles mortes. Lorsqu’une rivière la traversait, nous passions sur l’autre rive en empruntant un des troncs tombés en travers. Quand nous poussions nos ambitions plus loin, nous nous retrouvions tantôt à proximité du mystérieux atelier de Jean Tinguely, auteur de sculptures titanesques, tantôt au pied des Alpes et il était alors temps de rebrousser chemin. De retour à la ferme, nous retrouvions systématiquement, manettes en main, notre mère et notre grand-mère, les yeux fixés sur le vieux poste de télévision, jouant à Magic Jewelry II renommé «Tetris 8» sur cette cartouche pirate qu’un ami de nos parents avait rapportée d’un voyage en Asie.

Une fois notre tour venu et la partie de Zelda 2 lancée, les souvenirs de la journée pouvaient alors se superposer à l’expérience de jeu et remodeler cet univers, laissant en moi des traces toujours présentes aujourd’hui. À l’avenir, chaque partie évoquerait ces lieux et cette période de ma vie, et me retrouver à la campagne ou à la montagne ferait remonter des sensations directement issues de Zelda 2 : ses champs, ses forêts, ses montagnes, ses rivières, ses grottes obscures…

Aujourd’hui, mes deux grands-parents sont décédés et la ferme a été vendue. Je ne suis jamais retourné dans cette région, mais fréquemment des jeux me la rappelle, tel le mélancolique Breath of the Wild, dernier épisode de la série des Zelda. Ces jeux réactivent des zones de la mémoire parfois demeurées cachées jusqu’à aujourd’hui.

Des années plus tard, lorsque le jeu ressortit sur GameCube je le terminai enfin. Je pensais m’en être délivré, mais à la sortie de la mini NES je l’ai relancé. Juste pour voir ? Sans surprise, en madeleine de qualité, toutes les sensations sont remontées. Au milieu des champs, je suis reparti à l’aventure.

 

Mon Intimité De Joueur.

Mon Intimité De Joueur.

Malo

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Figure 1 : « Quand j’ai pensé à une « madeleine vidéoludique », c’est cette jaquette un peu moche, qui m’est venue en tête. »

La simple vue de la jaquette du jeu « Bugs Bunny, voyage à travers le temps » via recherche google me ramène une bonne quinzaine d’années en arrière, à l’époque où il y avait toujours là où j’habitais une salle de jeu et quand mes parents étaient encore mariés. Ce jeu m’a beaucoup amusé.

Probablement l’un de ceux qui m’aura le plus amusé sur la première Playstation. Je me rappelle des couleurs vives et du niveau sur le quai. Il était frustrant, j’avais envie de jeter la manette mais je me retenais. Il y avait aussi cette zone où un cadran solaire nous indiquait je ne sais plus trop quoi. Peut être qu’on ne l’a jamais deviné. Ce jeu m’amusait.

Sur la première Playstation, je me souviens aussi de Driver. Je ne crois pas qu’on l’avait cracké, on devait nous l’avoir donné, la jaquette n’était pas la vraie, mais le jeu l’était. En tout cas, ce jeu m’amusait. Surtout les poursuites en voitures qui ne finissaient pas toujours bien. Le jeu permettait d’en faire des films et de les sauvegarder. C’était mon frère qui les faisait. Et d’ailleurs c’était mon frère qui jouait. Je crois bien que je n’avais pas le droit, moi, parce que mon père et ma mère, qui à l’époque s’aimaient encore, nous avaient mis en garde face à la violence qu’il représentait. Pourtant, et je m’en souviens, ce jeu m’amusait.

Et, à bien y réfléchir, je ne suis pas certain non plus d’avoir affronté Sam le Pirate par moi même. De manière générale, c’était mon grand frère qui appuyait sur les boutons. Et moi, je regardais. Et même si je me souviens fermement de l’envie de jeter ma manette par terre durant les niveaux les plus difficiles de Bugs Bunny, je n’ai pas vraiment le souvenir d’avoir réellement tenu le contrôleur dans mes mains.

Bien sûr, il m’arrivait aussi de jouer avec mes mains plutôt qu’avec mes yeux. Je me souviens avoir exploré le premier niveau, coloré, de Rayman 2 sur PC, et du Roi Lion sur Megadrive, je me souviens de la fierté éprouvée après avoir atteint tout seul le deuxième monde de Sonic the hedgehog. Mais ces souvenirs sont plus flous et moins marqués par la répétition que ceux où mon frère joue à ma place et où je le regarde passivement.

C’est donc par des let’s play en live que j’ai commencé ma vie de joueur. C’est en imaginant les interactions ludique, et non en les expérimentant par moi même, que j’ai eu mes premiers contacts avec le jeu vidéo, et probablement même, mes premières réflexions sur le game design en général. Pourtant aujourd’hui, il m’arrive de me surprendre à tomber en accord avec des discours supposant qu’un jeu se doit d’être apprécié manette en main. À croire que j’ai déjà oublié mes jeunes années où regarder jouer me permettait d’outrepasser mes compétences médiocre et de voir la fin des jeux que j’aimais. L’époque où être observateur du jeu me donnait un regard particulier sur ce dernier, qui était bien distinct pour moi d’un simple film, malgré l’absence d’interactivité directe. Je pouvais d’ailleurs interagir indirectement avec le jeu, à coup de « Fais ci », « Fais ça », « Pas comme ci », ou de « Pas comme ça ». Et surtout je pouvais m’identifier au joueur, souvent mon frère.

D’ailleurs, je pouvais m’identifier à lui sans voir l’écran. L’entendre crier « MES SOUS, J’AI PERDU MES SOUS » depuis les toilettes, la porte à demie-ouverte pour ne rien manquer du spectacle était largement équivalent à une réelle partie de Sonic manette en main (Peut-être dois-je préciser que dans le foyer familial, on ne parlait jamais « d’anneaux » mais bel et bien « de sous » pour parler de ces petits ronds que l’on ramasse et qui nous protègent dans Sonic the hedgehog). S’identifier à un joueur est une action ludique. Cela peut nécessiter de connaître le jeu, d’y avoir déjà joué, ou d’en comprendre le fonctionnement, tout simplement. Lorsque c’est le cas, on peut s’imaginer jouer. On ne bouge effectivement pas la caméra, mais on sait qu’il est possible de la bouger : on sait que lorsqu’elle bouge, c’est le joueur qui l’a bougé. On peut distinguer, même sans jouer, l’interactif et le reste.

Et puis, parfois, quand j’en avais marre de regarder mon frère jouer, on jouait à deux. Enfin… Pas vraiment. Là encore, mes souvenirs s’emmêlent. Je ne sais plus exactement. Je pense qu’il s’agit de deux périodes distinctes dans le temps. J’ai du mal à me souvenir de cette période où le contrôleur vidéo-ludique n’était pas mon ami. Il a pourtant bien fallu que j’apprivoise cet engin, a priori complexe, qui fait qu’il est souvent fascinant de regarder quelqu’un jouer quand on est non-joueur, ou parfois au contraire, qu’il peut être effrayant de ne pas le comprendre.

Au final, je suppose c’est en grandissant, lorsque j’ai eu mes propres jeux et que j’ai de plus en plus joué seul, que nous avons de plus en plus joué ensemble, soit chacun notre tour, soit en même temps. Bref, en multijoueur.

Le multijoueur, c’est un paramètre en plus dans le jeu qui, souvent, permet de s’émanciper un peu des règles. J’ai cru lire une fois que c’est pour cette raison que les jeux de société ont tant de variantes : une règle par famille. Je me souviens du niveau du casino dans Sonic 2. En mode un joueur, c’était un niveau normal. En mode deux joueurs, chez nous, les règles changeaient : il fallait avoir le plus de « sous » avant la fin du temps imparti (le « Tim oveur », comme on le prononçait chez nous) en jouant en boucle dans les machines à sous, priant pour ne pas tomber sur les trois Robotnik et les pics qu’ils rapportaient, réduisant nos gains à néant.

Les modes multijoueurs ont les règles changeantes et propres aux joueurs. Je crois qu’un jeu multijoueur ne vieillit jamais. C’est peut être eux, mes madeleines de Proust, finalement.

Je n’ai pas joué à Sonic en multijoueur depuis un bon bout de temps. Mais si mon frère et moi sommes ensemble chez mes parents, le temps d’un week-end, alors il est possible, voire probable, que l’on allume la Megadrive, en souvenir du bon vieux temps. Il est possible, voire probable, que nous lancions le niveau du casino, et dans ces conditions, impossible de changer les règles vieilles de 15 ans : On appellera toujours les anneaux des « sous ». On attendra toujours le « tim oveur » pour voir qui a amassé la plus grosse fortune.

Et si ce n’est pas à Sonic que nous jouerons, ce sera à d’autres jeux. Si nous jouons à « Ren & Stimpy, Time Warp » alors nous mimerons la danse des deux héros, se frappant la fesse de l’un contre celle de l’autre. Si nous jouons à Bit Trip Runner, qui est pourtant de base un jeu solo, je sais déjà qu’on aura le droit à 3 essais chacun avant de se passer la manette… Sauf  si l’un de nous oublie que c’est son tour, auquel cas… Tant pis pour lui !

Ces règles ne sont valables que pour moi et mon frère. Il est arrivé que je joue de manière différente avec d’autres joueurs, sur les mêmes jeux.

En repensant à ma vie de joueur, et particulièrement à la question du multijoueur, je me rend compte que plus je joue avec une personne proche de moi, que je connais et que je porte dans mon cœur, plus nous aurons tendance à tordre les règles. Ainsi, lorsque plus jeune j’invitais chez moi un ami pour la première fois, nous partagions souvent le même temps de jeu s’il s’agissait d’un jeu solo, et sur les jeux multijoueurs nous suivions les objectifs à la lettre.

Il semblerait que j’ai développé une intimité de joueur au fil de ma vie. Un espace de jeu plus créatif à l’intérieur duquel seuls ceux avec qui j’ai déjà joué peuvent pénétrer. Aujourd’hui encore, même si nous n’habitons plus ensemble, je pense que la personne qui est ludiquement la plus proche de moi reste mon frère.

Figure 2 : « Je crois que lorsque les fesses d’un joueur touchent celles d’un autre, c’est que ces deux joueurs sont intimes vidéoludiquement.»

Si les jaquettes des jeux que j’ai possédé étant enfant provoquent chez moi des sensations proches du souvenir, elles sont des madeleines trompeuses. Créant des souvenirs erronés dans ma tête. Me faisant croire que j’ai joué à des jeux que j’ai seulement possédé et regardé.

Voir un let’s play sur internet est une expérience proche de ce que je vivais en regardant, jeune, mon frère jouer. Cependant, l’expérience est totalement nouvelle, à l’instar des joueurs que, souvent, je ne connais pas. Et si je veux retrouver l’interaction indirecte que j’avais sur le joueur à l’époque, alors il me faut voir le let’s play en direct et me manifester sur le chat.

La nouvelle Playstation permet à quiconque, sans matériel, de streamer des parties de jeu. J’ai parfois vu certains amis streamer des parties dans le vide, sans spectateur. J’ai pu alors régulièrement devenir spectateur unique des parties d’un ami, appelons le Banane. Pendant un temps, je ne savais pas ce qui me fascinait, ce qui me faisait rester sur les streams de mon ami Banane. Mais maintenant je sais que voir Banane jouer, c’était un peu comme regarder mon frère jouer à l’époque où mes parents n’avaient pas encore divorcés. Banane, c’est un petit morceau de madeleine vidéoludique. Regarder Banane jouer, c’est une pratique agréable pour des raisons qui sur le moment, n’étaient pas évidentes. Regarder Banane jouer, c’est lui dire « Fais ci », « Fais ça », « Pas comme ci », « Pas comme ça ».

Récemment, mon frère est revenu chez mes parents le temps d’un week-end, et moi aussi. Chaque soir, la nuit venue, nous avons joué à Donkey Kong Country, sur Super NES, un jeu auquel nous n’avions jamais eu le temps de jouer. En une semaine, nous avons fini le jeu, en construisant chaque jours de micro-règles, tâtonnant sur l’intimité ludique de l’autre. Choisissant quel joueur commencerait quel niveau, quels seraient les objectifs, pour déterminer qui allait « gagner » ce jeu pourtant coopératif.

Et c’est en gagnant (Ici, en étant le dernier joueur vivant à la fin du plus de niveau et, souvent, de la manière la moins fair-play possible) que j’ai su que mon frère était l’une de mes plus grandes madeleines vidéoludiques. Que peu importe le jeu que je jouerai avec lui, je serais transporté dans les parties de mon enfance. Car il gardera toujours la même place dans mon intimité de joueur.

 


Merci à EstebanGrine sans qui je n’aurai pas écrit ce qui précède.

Merci à Mes frères et sœurs qui ont fait naître ma vie de joueur. A mes cousins et amis qui ont su la faire survivre.[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Halogène et Moyen Âge

Halogène et Moyen Âge

Scinaute

Avant de commencer à écrire, j’ai pris dix minutes pour laisser vagabonder mes pensées, pour voir ce qui me venait à l’esprit lorsque j’évoque « jeu de mon enfance ». Bien qu’ayant connu plusieurs consoles distinctes, mes souvenirs les plus marquants sont en majorité liés à la Playstation. Mes parents en possédaient une, et l’ont toujours d’ailleurs, qui a chauffé pendant de longues années. Grâce à la ludothèque qui allait avec, j’ai passé de nombreuses heures à observer les séances de jeu de mon père sur Tomb Raider et celles de ma mère sur le premier Spyro. Ce ne sont pas des « grands » joueurs dans l’âme, mais ils ont réussi à s’imposer dans mon esprit comme experts de ce domaine, en tous cas à l’époque, et m’ont initié à cette passion. Et quelques temps après c’était moi qui parcourait tous ces univers fantastiques, me bâtissant ainsi le socle de mon rapport aux jeux vidéo.

Il y a eu bien sur d’autres supports de jeux, mais qui sont arrivées plus récemment. Ou bien une Philips CD-i mais que j’ai très peu exploitée. Non, aujourd’hui, même après des dizaines voire des centaines d’heures passées sur des consoles plus récentes, rien ne me fait mieux revenir dans le passé que les sons d’ouverture au lancement d’un jeu Playstation, une fois le bouton power pressé. Vous savez, celui qui accompagne le logo orange du Sony de l’époque, suivi par celui de la console.

Figure 1 – Premier visage de l’ASMR

Pour ce témoignage, citer tous les jeux qui ont eu une importance pour moi sur ce support et dont les souvenirs sont encore vifs serait inutilement long et ennuyeux à détailler. Je vais donc n’en mentionner qu’un en particulier, qui est sûrement celui qui me revient le plus souvent à l’esprit au quotidien : MediEvil. Un des premiers jeux que j’ai connus et que j’ai exploré assez longuement, ainsi que son second opus et son remake sur PSP.

La mention du son de démarrage de la Playstation n’est pas anodin dans ce texte. Chez moi en effet, les souvenirs sont très souvent déclenchés par un phénomène auditif. J’entends par là n’importe quel son ou musique qui serait, pour une raison ou pour une autre, lié émotionnellement à un jeu. Lorsque le son mentionné précédemment et caractéristique de la console de Sony parvient à mes oreilles, je me retrouve instantanément sur un vieux canapé, une manette dans les mains, ses joysticks usés par leur utilisation, fixant un écran cathodique qui affiche alors les premiers écrans du jeu en lui-même.

Revenons maintenant à MediEvil. Si je recherche des images de ce jeu sur internet, je tombe sur des visuels bruts tirés du jeu, ou des artworks présents sur la jaquette. Quand je les observe, ce sont ces images qui me viennent à l’esprit. Cela peut paraître évident et un peu stupide écrit comme ça, mais il y a une subtilité. Je n’imagine non pas une scène, pas une émotion, juste un visuel mental entièrement et simplement calqué sur ce que je viens d’observer. Présentez-moi le menu principal de ce jeu, c’est-à-dire un squelette indiquant sur une pierre tombale la possibilité de lancer une nouvelle partie, de continuer une aventure entamée etc. et je n’aurai que cette unique scène figée en tête, sauf à réaliser un léger effort pour me représenter le reste.

Figure 2 – Menu Principal de MediEvil

A l’inverse, si la musique de ce menu principal est jouée, alors mes pensées réagissent instinctivement, déambulent dans le cimetière, parmi les tombes et les citrouilles, dans une nuit noire et pluvieuse, sans le moindre effort requis. Puis par assimilation, vont rejoindre d’autres éléments clés du jeu : le crâne borgne de Daniel Fortesque reposant dans sa crypte, le mausolée et son démon-vitrail, le village endormi etc. D’un simplement élément musical du jeu, c’est tout son univers qui me parvient, une atmosphère médiévale, sombre mais avec son petit lot d’humour, de statues de gargouilles parlantes et de champs de blés mortels.

A travers ses musiques, ce jeu me revient sous forme d’ambiance, d’éléments et de scènes caractéristiques. Mais ce n’est pas tout. Le jeu est présent dans mes souvenirs, bien, mais également son contexte. En effet, en plus de scènes vidéoludiques marquantes, je me représente la manette usée mentionnée plus tôt, la fin d’après-midi qui suit la dernière heure de cours de la journée, le son baissé pour ne pas gêner le reste du salon mais suffisamment fort pour pouvoir en profiter… Ou bien, des années auparavant, une heure assis à côté de ma mère qui affronte Zarok dans son repaire.

MediEvil, mais aussi Rayman, Final Fantasy VII, Heart of Darkness… Chacun des jeux auquel j’ai joué sur Playstation me fait encore replonger dans son univers quand son ambiance m’est rappelée musicalement. Bien évidemment, en changeant de jeu, donc parfois de console, donc de situation où l’on joue effectivement, les contextes et les ambiances varient également.

Considérons maintenant une autre licence vidéoludique qui a eu un impact fort sur mes pratiques concernant le jeu vidéo : celle des jeux Pokémon. J’affirme même qu’elle a grandement contribué à forger la personne que je suis aujourd’hui, m’amenant sur internet et me faisant rencontrer par la suite certains de mes amis les plus chers à mes yeux.

Comme dit précédemment : autre type de console, autre façon de jouer. Je ne m’imagine plus dans un canapé une manette à la main. Désormais je me retrouve dans mon lit un soir, pendant les quelques minutes précédant le sommeil et la vraie fin de journée, GBA SP en mains et jouant dans le noir pour ne pas alerter les parents. Mais la particularité des jeux Pokémon, c’est qu’ils ont été parmi les premiers à pouvoir faire naitre des souvenirs chez moi qui ne sont nullement liés à leurs propres musiques. Explications :

J’ai beaucoup d’amour à revendre pour ces jeux, cependant les combats aléatoires sont quelque chose qui m’ont toujours agacé au plus haut point, me donnant la nette impression de casser le rythme. Ne pouvant supporter que très brièvement les musiques de combat qui débarquaient beaucoup trop souvent à mon gout, je me suis vite mis à jouer avec d’autres musiques par-dessus, même si elles n’avaient rien en commun avec le jeu. Et en jouant régulièrement avec un album de musique pendant assez longtemps, écouter ce dernier peut m’amener à me replonger dans certaines séances de jeu qui étaient enfouies dans ma mémoire. C’est ainsi qu’écouter les premiers albums de Shaka Ponk, par exemple, me ramène instantanément à Doublonville de Pokémon Heartgold, à faire des allers-et-retours en bicyclette pour faire éclore des œufs de Pokémon. Je reconnais évidemment que les ambiances diffèrent complètement entre le rock-électro du groupe français et la bande son originale du jeu japonais. Et pourtant les deux combinés ont donné naissance à une ambiance bien particulière, présente uniquement dans ma mémoire et contribuant à rendre mon expérience singulière à travers ma façon de jouer et mes souvenirs qui en seront pendant longtemps imprégnés.

C’est d’ailleurs fantastique de voir à quel point la situation dans laquelle on joue influence la manière dont on se souvient du jeu, par association d’idées ou d’éléments, et peut ressurgir dans notre esprit distinctement, comme si elle était d’une importance singulière. C’est ainsi que les lampes halogène me rappellent une soirée, assis sur le canapé que j’ai mentionné plus tôt, où je m’acharnais à rapprocher ma Game Boy Color de, vous l’avez deviné, la lampe halogène du salon, pour tenter en vain de trouver mon chemin dans la Grotte de Pokémon Bleu. Celle-ci nécessitait une compétence particulière pour éclairer son environnement d’ordinaire trop sombre. Mais quand, plus jeune, on a la mauvaise habitude de passer son temps à progresser sans véritablement faire attention aux dialogues, on finit par s’étonner que l’écran soit si noir même en éclairant du mieux que l’on peut avec la source de lumière la plus proche. On peut le dire : le moi d’il y a une bonne dizaine d’années n’était pas très futé.

Si en musique je me replonge instantanément dans un univers fictif, par association d’idées je finis par revoir toute une époque, une multitude de situations, de personnes, de lieux, qui pour certains étaient enfouis dans ma tête et n’avaient aucune raison particulière de ressurgir, mais qui ne disparaitront pas de sitôt, car associés à jamais à ce loisir.

L’abandon après l’union

L’abandon après l’union

Istenn

Quand un ami m’a parlé à la madeleine, j’ai de suite pensé à mon grand frère et moi-même en train de jouer en coopération sur Dingo et Max (Goof Troop) sur Super Nintendo. Étrange, car je n’y avais plus pensé depuis des années. J’avais même totalement omis de mon esprit l’existence même de ce jeu.

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figure 1 : la jaquette du jeu

 Et pourtant à l’instant où je m’en suis rappelé, j’ai eu les papillons dans le ventre, l’excitation, le bien être que je ressentais devant ce jeu. Mais principalement grâce à la présence de mon frère à mes côtés, grâce à qui je me sentais pousser des ailes. Rien ne me semblait impossible avec lui à mes côtés. Et pourtant, que c’était difficile d’avancer. Des énigmes qui me semblait incompréhensible et dont je devais faire un effort pour les refaire lorsque j’étais seul. Car oui, parfois j’y jouais seul, mais sans grand plaisir. Un écran « appuyer sur start », présent en haut à droite, clignotait sans cesse pour me rappeler que l’on devait être deux. Mes sessions de jeu en solitaire ne duraient jamais très longtemps. Ainsi il m’arrivait d’attendre avec impatience mon grand frère pour lui proposer une partie en espérant qu’il accepte.

Nos parties étaient endiablées, probablement, souvenirs lointains oblige, bien plus romancées et épiques qu’elles ne l’étaient vraiment. Jusqu’au jour où nous arrivions enfin à terminer le jeu. Chaque boss nous avait mis en difficulté, mais à chaque fois, nous avions triomphé. Et encore une fois nous étions face à ce boss de fin, qui nous avait déjà obligé à recommencer plusieurs fois le niveau. L’engouement lorsque nous le vîmes tombé, lorsque la musique du boss se stoppa. Nous étions si fier, si heureux. Enfin nous l’avions fait. Nous avions terminé Dingo et Max ! Ensemble.

(Figure 2 – Screenshot Dingo et Max) (Figure 3 – Boss de fin)

De là vient le fait, que je fus surpris de ne plus me rappeler de ce jeu, alors que je me souvenais bien plus du jeu que nous avions fait ensuite, Tortues Ninja : Turtles in Time, lui aussi sur Super NES. Pourtant la plupart des souvenirs étaient dans la même veine, une grande difficulté pour nous, nous le recommencions encore et encore sans parvenir à le finir. Ah oui c’est cela, nous ne l’avions jamais fini, car contrairement à Dingo et Max, il n’y avait pas de code de niveaux. Je me souviens que nous bloquions souvent au monde préhistorique avec ce boss tortue ninja mais « méchante » que je trouvais si forte.

(Figure 4 – Jaquette Ninja Turtle)

(Figure 5 – Boss Ninja Turtle)

L’énergie n’était plus la même, il n’y avait pas autant de rire et d’amusement que devant les pitrerie de Dingo. Des phrases revenaient plus souvent « ça m’a soulé », « je veux pas jouer », « j’ai la Playstation c’est mieux ». Remarquant que nos parties se faisaient de plus en plus rare, je me souviens avoir tenté de perdurer la tradition avec mon petit frère mais celui-ci n’était pas grand fan de jeux vidéo. Je crois savoir pourquoi Tortue Ninja : Turtle in Time est revenu immédiatement dans ma mémoire. Ce jeu m’a toujours laissé une certaine amertume. Il avait prit le dur rôle d’un message que peu d’enfants veulent comprendre et que l’on finit toujours par accepter. « Tu vas grandir ». Ce jeu non terminé qui me fit l’effet d’un coup de poing car je n’y arrivais pas seul. Je me revois entrer dans la chambre de mon frère en train de jouer à un jeu avec des zombies dont il me vantait les mérites. Je me souviens m’être assis à tes côtés pour te regarder jouer. Cette musique était terrifiante. J’ai vu alors un de ces monstres humanoïde agrippé le héro et lui vomir un liquide étrange au visage. À ce moment, j’ai peur. Mon frère ne quitte pas la télévision des yeux et ne me remarque pas. Il ne m’épaule plus comme autrefois. Cette union si forte entre nous, je venais de la voir disparaitre dans une musique angoissante d’un jeu que je redécouvrirai plus tard … mais seul, tout comme mon frère l’a fait avant moi.

Je me rappelle Dingo et l’énergie positive qui nous entourait. Je me rappelle Tortue Ninja et la frustration de ne pas atteindre notre but. Je me rappelle Resident Evil et la distance que je venais de voir apparaitre avec mon frère. Plus jamais nous ne serons aussi proche que devant ces petites manettes de Super Nintendo, à rire, à discuter des différents passages du jeu durant les repas de famille.

(Figure 6 – Dingo et Max ensemble)

Les années ont passés depuis et parfois je te regarde aux quelques repas de familles durant lequel nous pouvons nous réunir. Et je me demande où est passé mon précieux grand frère avec lequel j’ai passé de si bon moment. « Tu vas grandir », je n’aurais jamais pensé que ce postulat ferait si mal durant les années qui ont suivi. Maintenant nous sommes tous deux des adultes, menant chacun sa vie de son côté. Cela peut paraître amère ou dit avec regret mais lorsque je regarde notre petit frère en train de faire des « parties endiablées » sur Call of Duty, casque sur les oreilles, seul dans une pièce sombre, à crier sur une personne qu’il connait à peine et qui n’est pas présente dans la pièce. Je me sens désolé pour lui. Il ne se rappelle peut être plus ce que nous avons vécu devant Castle Crasher quelques années plus tôt. À crier de joie et de surprise face à ce monstre qui nous courait après et que nous devions semer à dos de biches qui pètent pour se propulser. À nos regards déterminés lorsque nos devions combattre pour une princesse. A notre joie lorsque nous avions vu le générique de fin. Et à sa déception, lorsque je lui ai dit que je ne voulais plus y jouer. Parce que je devais retourner travailler.

 

(Figure 7 – Course poursuite)

Au final, j’ai agis comme tu l’as fait, j’ai exécuté les même gestes et probablement créer le même ressentiment que j’ai eu pour toi. Ce sentiment d’abandon. « Tu vas grandir ». Parfois j’y repense en voyant cette jaquette de Dingo et Max courant vers nous comme s’ils nous appelaient à l’aide pour leur aventure, immortalisé à jamais. Parfois j’y repense et j’ai le souhait d’être à la place de cette enfant de cartoon. Enfant pour toujours. Toujours soutenu par son ainé, aidé à se relevé. Mais les souvenirs ne seraient pas souvenirs et ne seraient pas aussi beaux si l’on ne grandissait pas. « Tu grandiras … et tu vivras d’autres histoires plus belle encore ». Je l’espère, après tout j’ai pu revivre cela avec mon frère en tant qu’ainé ce coup-ci. Qui sait, j’espère voir un jour mes enfants rire à gorge déployé devant un jeu, chacun avec une manette et s’entraider comme s’il n’y a avait qu’une. Car même s’il est très sympathique de regarder un film seul dans sa chambre ou de visiter un musée par soi-même, rien ne changera cette expérience de ressortir d’un lieu en famille ou entre amis et de discuter. Ceci est la même chose pour le jeu vidéo.


(Sources : Image en-tête : Father and Son par Y @ Pixiv.net retravaillé par Thibaut Bézin)[/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]

Le jeu culte de mon enfance que personne ne connait

Le jeu culte de mon enfance que personne ne connait

Paul Aureckin

Le jeu dont je vais parler durant ce témoignage n’a rien de culte ni de mémorable et je suis surement un des seuls à lui vouer une place aussi importante dans le paysage vidéo ludique. Il est même plus que probable que l’actuel lecteur n’en a jamais entendu parler. Dans le cas contraire j’imagine que votre surprise n’en sera que plus grande lorsque je vais révéler que le jeu sur lequel portera mon témoignage se nomme Red Faction Guerrilla. Un jeu qui malgré la couleur aride de sa jaquette (alternant entre teintes de rouilles et d’ocres) malgré la violence sous jacente qu’évoque les écritures marqué au fer rouge sur la boite, malgré l’imagerie guerrière omniprésente qui en vient même à s’immiscer dans son titre. Un jeu qui malgré cette surenchère d’artifices tentant de le laisser paraitre rugueux reste la friandise la plus goûtue à laquelle je pus toucher dans ce médium. Un délice qui se mange sans faim, un plaisir de tous les instants dans lequel l’embarras d’avoir un tel amusement devant un hors d’œuvre sans prétention s’efface au bout de la 1ere heure de dégustation. En effet, j’use du terme  « hors d’œuvre sans prétention » car ici je parle bien d’un jeu de type TPS de la 7ème génération, dans lequel scénario prémâché par les obligations de rentabilité, héros effacés aux profits de clichés installant le joueur dans une zone de confort, histoire manichéenne et ennemis déshumanisés sont de la partie, et c’est peut être pour le mieux vue que mon premier contact avec le jeu se fit lors de mes 8 ans.

Mon frère était en train de jouer à une démo dont les créateurs, sachant pertinemment que l’intérêt du jeu résidait dans son gameplay, ne s’étaient pas donné la peine de la faire traduire en plusieurs langues. Cependant c’est sans surprise que mon frère s’empara du jeu instantanément car n’importe quelle personne consciente du potentiel de la mécanique autour duquel s’articule le jeu ne pourrait résister à son appel. « Quelle est cette fameuse mécanique ?» me demande le lecteur assidu que je m’empresse d’ailleurs de remercier pour l’attention porté à mon texte. Ma foi c’est aussi simpliste que complexe. Le principe de base du jeu est que la majorité des éléments du décor sont destructible. Bien entendu je ne vais pas expliquer point par point pourquoi dans ce jeu cette idée est particulièrement bien desservie. En effet ce n’est pas le sujet de mon texte, mais sachez tout de même que le moteur physique est une merveille inégalé à mes yeux, un bijou technique qu’on ne penserait issus que d’une démo qui l’est tout autant. C’est ainsi que Guerilla fit son entré dans l’armoire de jeu de mon frère qui ne pris d’ailleurs jamais la peine de le finir à mon grand désarrois, étant un spectateur admiratif de ses exploits.

Pendant un temps j’ai oublié ce jeu, car le sceau pegi d’un orange brut m’avait toujours défendu de tenter le moindre rapprochement, il s’était greffé avec violence sur une œuvre enfantine dans l’âme prétextant une fois de plus la présence d’un contenue outrageux. Pourtant ce jeu était un objet de partage, rare sont ceux qui le connaissent dans ma sphère privé et le faire découvrir à mes amis était toujours un plaisir, non pas à cause de l’égocentrique besoin de se sentir important mais plutôt grâce à l’envie de ponctuer sa vie d’instant de bonheur. De fait, les rires communicatifs et le temps qui passe sans que l’on puisse s’en rendre compte faisaient de Guerrilla un magnifique catalyseur de ces émotions. Mais au-delà de ces divers instants assez agréables que je partageais, il y avait une démarche presque analytique, celle d’observer comment mes amis allaient réussir à accomplir les différentes quêtes annexes, instant où le joueur était soumis à sa propre liberté. Cela me permettait d’en apprendre sur eux et de répondre aux différentes interrogations que je porte à leur égard. Par exemple : avaient t-ils le sens du spectacle ? Ce jeu permettait de répondre à la question et à partir de la réponse on pouvait déduire de très nombreux traits de caractères. Au-delà de l’amusement c’était aussi captivant, plutôt fascinant, en fait réellement hypnotisant.

Ce besoin de compréhension par l’observation (bien que n’ayant pas été enfanté par le jeu) demeure un aspect de ma personnalité que Guerrilla a révélé à moi-même.

Quelques années plus tard, c’est en me souvenant de ce jeu que je me suis rendu compte combien il était important. Je dois bien admettre que, fainéant par nature, je n’avais pas vraiment fais d’effort pour tenter de retrouver ce jeu dans ma mémoire. Je vagabondais sur internet et comme à mon habitude je suis passé par Youtube pour observer mon fil d’abonnement,  le seul rempart entre moi et la procrastination inutile. Je pus observer une apparition discrète mais que j’ai tout de même remarqué,  c’était une chronique bien connu sur JVC : Speed Game. Ici l’épisode portait sur le tout premier Red Faction sortie en 2001.  C’est alors que je regardais l’émission qu’un effet mémoriel insoupçonné me ramena des souvenirs du jeu sur lequel porte mon texte. En effet,  Red Faction Guerilla faisait des rappels constant à son prédécesseur et par conséquent ce que je ne pouvais percevoir avant m’était réapparu avec violence, tel que je l’ai perçu c’était l’ancien jeu qui faisait des références au plus récent. Vision totalement absurde et paradoxale mais l’effet recherché par Red faction Guerrilla a tout de même été accompli : un fort retour dans le passé à été provoqué par ces références dispersé dans le jeu. Seulement cela ne s’est pas déroulé au moment voulu durant mon aventure dans la saga Red Faction. Et ainsi la mécanique de gameplay centrale du jeu auquel on pourrait attribuer de manière ignorante un aspect gimmick, m’est finalement réapparue dans toute sa splendeur et son utilité au sein même de l’environnement de jeu. Bien évidemment je le formule de cette manière mais à l’époque je me serais plutôt exprimé de façon enfantine, mettant en avant les caractéristiques impressionnantes des explosions plutôt que leur grand intérêt dans la construction du monde ouvert même si, à mes yeux le terme bac à sable serait plus approprié.

C’est donc porté par un engouement soudain pour un jeu oublié de tous que j’ai commencé à faire de nombreuses sessions. Aujourd’hui cela ne fait que deux ans que je n’ai pas touché à la jaquette. Pourtant, souvent, le souvenir des diverses situations de jeux spectaculaires créées de manière organique me réapparait de manière assez précise, avec ce même ressenti dont le plus grand représentant me semble être Farcry ; cette impression qui se base sur le fait que l’illusion de créer ses propres scènes d’actions les rend d’autant plus grisante. Sensation que malheureusement, j’ai du mal à retrouver dans les jeux récents qui malgré leur monde ouvert, me semble plus un couloir que jamais.

Je suis bien conscient qu’au travers de ce texte je me suis éloigné d’une certaine nostalgie que peut inspirer le jeu de son enfance. C’est un choix délibéré que de m’être élevé au dessus de ce carcan poétique suggéré par la description de son enfance au travers d’un jeu. J’aurais pu parler de Journey, le premier jeu indépendant auquel j’ai joué et ainsi me faciliter grandement la tache mais, cela n’aurait pas été honnête, ni pour moi ni pour vous. Un grand mensonge organisé dans l’objectif d’être celui que je ne suis pas… Non ! En effet je ne suis pas un adolescent poétique à moitié torturé trouvant refuge dans les jeux vidéo… Malheureusement pour moi il est difficile d’évoquer la compassion au travers de ma vie. Je n’irais pas jusqu’à me flageller de manière publique car, en plus d’être ridicule cela serais en contradiction totale avec ce que j’ai dit précédemment ; et je ne compte pas non plus simuler un semblant de complexité dans ma personnalité. Simplement, je profite de cette conclusion pour clarifier certaine choses et remercier certaine personne. Notamment Esteban Grine, pour m’avoir donné une raison de mener un projet jusqu’au bout. Thymael  (en espérant ne pas écorcher son pseudonyme), pour m’avoir appris l’existence de l’appel à contribution ainsi que les quelques personnes m’ayant aidé à mener ce projet en me fournissant un regard neuf  et rassurant sur ce texte.