Les arts ne sont-ils que des formes de jeux ? – TikTok Files

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« Mais c’est pas du jeu vidéo, ça. C’est du cinéma. C’est ça que les gens comprennent pas. Et l’argument des jeux vidéo, c’est de l’art, ok, mais il faut utiliser la force même du jeu vidéo. C’est le gameplay, c’est la narration et l’interactivité. Lorsque les jeux vidéo sont interactifs intelligemment, là, c’est de l’art. » (Regelegorila)

Dans mon précédent micro-essai sur la question : « est-ce que les jeux vidéo sont un art, ou plutôt est-ce que les arts ne sont pas simplement des formes de jeu ? », j’ai eu ce commentaire : « No joke, finalement, l’idée du lien entre le jeu et la culture a l’air super intéressante ». Et en fait, j’ai envie de revenir là-dessus parce que cela fait au bas mot 150 ans que la recherche scientifique et académique consacrée au jeu s’écharpe sur la définition de ce qu’est un jeu.

Les TikTok Files sont des transcriptions des micro-essais que je produis sur mon compte TikTok ! N’hésitez pas à aller vous y abonner.
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@estebangrine

pourquoi les arts ne sont que des jeux ? on continue de surf sur le clout des kidzzz d’internet comme regelegorila qui continuent d’alimenter la controverse sur les jeux vidéo et l’art. #jeuxvideo #arts #gamestudies #recherche #vulgarisationscientifique #gamedesign #jeuvideofr #teachersoftiktok #videogame #gameart

♬ son original – EstebanGrine – EstebanGrine

Je prends donc le temps, là maintenant, de revenir un peu dessus pour montrer que, en fait, finalement, aussi, les liens entre jeu, culture et art. Encore une fois, c’est bien plus complexe que ce que l’on peut croire. L’une des premières complexités, c’est la définition du jeu, ce que l’on entend par le jeu, l’activité, l’expérience ou même les structures, les objets qui nous servent à jouer. Je le disais tantôt, cela fait des années, en fait, que l’on s’écharpe parce que la recherche n’arrive pas à se mettre d’accord sur la définition. Ce n’est pas parce que la recherche scientifique est composée d’individus stupides. Au contraire, c’est parce qu’en fait, chaque définition suscite une nouvelle controverse. Et on en a plein des définitions du jeu. On en a plein, ce qui fait dire qu’on n’a pas forcément un jeu qui ressemble à un autre jeu, mais on a des formes de jeu qui sont regroupées sous le même terme, mais qui font, en fait, référence à plein de choses totalement différentes.

L’une des définitions du jeu que je préfère, c’est celle de Brian Sutton-Smith, qui vient vous dire que, finalement, les humains jouent lorsqu’ils cherchent à résoudre des problèmes de la manière la plus inefficace possible. J’assume ici simplifier les travaux de l’auteur pour leur donner une coloration humoristique. Une définition directement prise d’un de ses ouvrages et qui peut donc être réutilisée est la suivante :

« an exercise of voluntary control systems in which there is an opposition of forces, confined by a procedure and rules in order to produce a disequilibrium outcome. » (Avedon & Sutton-Smith 1971: p. 7).

Et vous pouvez essayer de contredire la définition de cette personne, mais honnêtement, elle fonctionne plutôt bien. Il va y avoir une autre définition du jeu qui va venir vous le positionner comme, finalement, un système de contraintes. Un jeu, c’est un cadre dans lequel on va avoir des comportements qui sont autorisés par le jeu et d’autres comportements qui font qu’on sort du jeu. C’est un peu cette idée de cercle magique. Quand on est à l’intérieur, on joue. On a des comportements qui signifient que nous sommes en train de jouer. Et quand on est à l’extérieur de ce cercle magique, en fait, on n’est pas en train de jouer. Et là, on commence à voir pourquoi, à chaque fois qu’on me pose la question « Est-ce que les jeux vidéo sont un art ? » Eh bien, moi, je réponds « Mais est-ce que ce ne sont pas plutôt les arts qui sont des formes de jeu ? »

En effet, les jeux, quand on les pense comme des systèmes de contraintes, et bien, on se dit, en fait, que toute forme artistique, c’est en fait un système de contraintes qui va nous obliger à produire quelque chose. Par exemple, si je vous dis « Créez-moi quelque chose », là, vous allez vous retrouver en mode « Mais ok, mais qu’est-ce qu’il est en train de nous demander ? » Ou encore « Je ne sais pas quoi faire, machin, etc. » Par contre, si je vous redonne l’ordre « Créez-moi quelque chose », mais qu’en même temps, je vous donne un pinceau ou je vous donne une guitare ou je vous donne quelque chose, Et bien là, à ce moment-là, en fait, immédiatement, vous allez intégrer cette contrainte comme faisant partie du processus créatif. Et donc, du coup, vous comprendrez que je suis en train de vous demander de créer quelque chose avec cette contrainte : « comme il est en train de me tendre ce pinceau, en fait, il s’attend à ce que je lui peigne quelque chose ». Et donc, potentiellement, vous allez vous mettre à peindre.

Et donc, c’est pour cela qu’à chaque fois qu’on me dit « mais Esteban, les jeux vidéo ne sont pas un art » ou « Esteban, les jeux vidéo sont un art. » Moi, je réponds tout simplement : « En fait, non, c’est l’inverse. Ce sont les arts qui sont des jeux parce que créer quelque chose dans un cadre artistique, c’est créer quelque chose dans un système de contrainte. Et le jeu peut être défini comme un système de contrainte. » ■

esteban grine, 2025.


Bibliographie indicative :

Avedon, E. M., & Sutton-Smith, B. (1971). The Study of Games. John Wiley & Sons.

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