Si vous pensez que le gameplay est ce qui définit le jeu vidéo comme une forme d’art, eh bien, vous avez tort, ou alors vous avez raison. En tout cas, en fait, c’est bien plus compliqué que ça et c’était le bon moment d’adresser ce sujet.
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Si on en vient à définir le gameplay comme la composante essentielle de ce qui fait le jeu vidéo comme une forme d’art, et bien, je crois que c’est parce que cela repose sur une certaine facilité de l’esprit à vouloir réduire tout processus artistique à un seul de ces éléments. Par exemple, on va vouloir réduire l’art cinématographique en disant que c’est l’art du montage. Mais du coup, et bien cette pensée, elle a un problème. Est-ce que ça veut dire que, par exemple, dans la création d’un film, il n’y aurait que les monteurs et les monteuses qui sont les véritables artistes qui rendent la création possible ? C’est bien plus compliqué. Il en va de même pour les jeux vidéo.
Si on réduit le jeu vidéo, comme une forme d’art, à son gameplay, est-ce que cela veut dire que tous les autres métiers qui contribuent à la création de ces objets-là ne sont pas des métiers essentiels ? On voit bien très vite, en fait, la limite de l’argument disant que le gameplay est ce qui fait art dans le jeu vidéo. Et surtout, cela réduit le jeu vidéo qui est un objet complexe à un seul et unique de ces aspects techniques, ce qui contredit quand même la volonté de pas mal d’artistes. Et in fine, c’est quand même eux qui définissent les créations sur lesquelles ils et elles sont en train de travailler.
Et s’il y en a qui sont très confortables avec l’idée de se dire « Ok, moi, je suis en train de faire du jeu vidéo ». Il y en a d’autres qui vont faire du gameplay, mais qui ne vont pas se revendiquer comme faisant du jeu vidéo, etc. Prenez un jeu comme The Graveyard. C’est un jeu dans lequel on incarne une femme très âgée qui se promène donc dans un cimetière, et il y a toute une signification autour de cela. Est-ce qu’on est vraiment en train de jouer ? À sa sortie, le jeu a fait controverse, et surtout, le studio qui est derrière cet objet n’a absolument pas défini son objet comme étant un jeu. Pourtant, il emprunte absolument tous les mécanismes et éléments de design qui proviennent du jeu vidéo. On y retrouve du game design, du level design, du gameplay, du game feel, etc.
Cette conception du jeu vidéo comme étant un art qui repose sur le gameplay contredit aussi toutes sortes d’observations qui sont faites dans la recherche en Media Studies et qui viennent généralement positionner les médias les plus récents comme étant des médias qui intègrent des précédents médias. Je l’avais dit précédemment, par exemple, le cinéma intègre la musique, intègre l’écriture, intègre le théâtre, etc. Le jeu vidéo intègre toutes les autres formes d’art qui l’ont précédé. Et c’est tout à fait normal de supposer que c’est le processus logique des choses. On en vient toujours à des formes d’art qui sont toujours plus complexes avec l’évolution des sociétés, avec le changement technologique, etc.
Donc, d’un côté, quand on vient dire que le gameplay, c’est ce qui définit le jeu vidéo comme une forme d’art, on développe une certaine conception réductrice de ce qui pourrait être un art vidéoludique. De l’autre côté, si l’on en vient à considérer le jeu vidéo comme un art qui est complexe, dans le sens où il intègre, en fait, toutes les autres formes d’art, et qu’il ajoute par-dessus quelque chose qui peut être créateur de sens, et bien à ce moment-là, on développe une pensée qui est complexe qui intègre l’ensemble des processus de la création artistique et vidéoludique, et surtout, qui ne vient pas réduire la conception que l’on a du jeu vidéo à un seul de ses éléments. Au contraire, c’est une conception qui vient définir le jeu vidéo comme fondamentalement différent de tous les autres arts précisément parce que le mélange de tout cela fait que cela vient rajouter quelque chose de nouveau, et surtout de distinct, en tout cas, suffisamment distinct pour que ces objets soient considérés différemment du reste de la production culturelle et médiatique. ■
esteban grine, 2025.
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