Les traumatismes oniriques de Omori

Omori est le titre d’un jeu à propos des difficultés de son personnage principal, au nom éponyme, à faire face à ses actes passés et ses démons. Sorti en fin d’année 2020 et développé pendant plus de 6 années par l’artiste Omocat, Omori a été possible grâce à une campagne Kickstarter réussie, les ventes de vêtements et de goodies sur la boutique en ligne omocat.com et l’acharnement de son autrice qui, accompagnée à la fois sur le long terme et ponctuellement (comme avec Toby Fox), a réussi à sortir un jeu possédant aujourd’hui une communauté de fans qui produisent de nombreuses œuvres et univers alternatifs, discutent théories sur théories et utilisent le jeu en tant que tel afin de pouvoir évoquer et traduire des problème de vie qu’ils et elles rencontrent.

Omori était un jeu complètement sorti de mon radar et encore heureux qu’une personne me l’ait rappelé car il s’agit d’une œuvre majeure et dont les problématiques abordées sont, il me semble, inédites au sein du média vidéoludique. Tout comme sa diégèse onirique, il s’agit d’une œuvre labyrinthique, autant dans son espace explorable aux multiples secrets que dans ses registres, alternant entre humour ubuesque (comme cette famille dont tous les membres se nomme Maximus) et tragédie infinie.

Omori est un jeu qui, sous une esthétique technicolor, nous propose de jouer à faire l’expérience d’un traumatisme et la possible guérison qui en découle. Il s’agit d’une antithèse à de nombreux jeux mainstream qui font d’un traumatisme un point de départ que seule la violence résoudra, à l’instar de The Last Of Us 2, jeu qui après Omori, ne semble que plus ridicule encore. Ici, le traumatisme est complexe, ne se révèle que très lentement et il n’existe pas de discours déterminant s’il s’agit d’une guérison toxique ou non. Il n’y a que des trajectoires de vies, qui se construisent sur des fondations douloureuses mais sans que cela semble forcé par un impératif narratif ou d’action. Tout semble terriblement humain, proche d’expériences qui pourraient être personnelles pour les audiences.

Il est en réalité très difficile pour moi d’écrire sur Omori tant le jeu a eu un impact émotionnel fort. Deux semaines après l’avoir bouclé, mes sentiments à son sujet sont encore bien trop vifs pour que je puisse véritablement les traduire en analyses. L’une des raisons à cela et que le sujet véritable du jeu, qui ne se révèle que tardivement dans l’aventure est en réalité une peur à laquelle je pense tous les jours. Ce n’est pas ici que je souhaite développer et véritablement analyser le jeu, cela étant, je pense que c’est une peur qui, sans trop en dire, anime de nombreux parents il me semble, et bien d’autres personnes évidemment. Sans trop en dire, jamais un jeu n’a aussi bien développé cette problématique et ce, à travers un petit groupe d’ami·e·s (Omori, Kel, Aubrey, Hero, Mari et Basil) qui deviennent instantanément des personnages adorables grâce à l’écriture toute en cohérence avec leurs fonctions dans le gameplay du jeu mais qui alterne entre de multiples registres.

Omori est un jeu qui me donne à la fois merveilleusement envie d’écrire et d’en parler et de ne rien dire tant je ne souhaite pas trop laisser mûrir mes interprétations du jeu et des discours que j’en tire. L’exploration de son univers permet de résoudre les problèmes des autres et c’est en se faisant, que l’on peut finir par résoudre les siens. Finalement, ce court billet me permet surtout d’exprimer un besoin – écrire sur ce jeu – sans vraiment être capable de formuler distinctement les idées que j’ai à son sujet. C’est un jeu qui m’a marqué pour ce qu’il est et ce qu’il représente. Sous son air potache de jeu réalisé avec Rpg Maker, se cache une merveille aux nombreuses lectures possibles.

esteban grine, 2021.