Ces auteurs de jeux vidéo – Lettre Ouverte à Jonathan et Phil

Bonjour Jonathan, Phil, ou bonsoir, à l’heure à laquelle vous lisez peut-être cette lettre.

Je vous écris pour vous dire qu’à travers vos jeux respectifs, je vous aime. Je pense de temps en temps à la façon dont la communauté vous considère et je trouve sincèrement dommage qu’elle refuse de voir en vous deux personnes remarquables et humbles. Phil, vous avez été parfois dur avec certains de vos propos. Ces phrases malencontreuses ont été amplifiées pour vous faire passer comme quelqu’un de prétentieux, pédant et désagréable. Jonathan, les gens vous prennent pour un perfectionniste terrible qui pense être le meilleur du monde, en tout cas, bien supérieur aux autres développeurs.

Je n’y crois pas. Je n’arrive pas à concevoir les créateurs de FEZ et de The Witness comme des personnes prétentieuses et pédantes. Ces deux jeux m’ont tellement bouleversé dans leur humanisme et dans le respect dont leur game design fait preuve à l’égard du joueur. Pour cela, je n’arrive pas à croire les propos de certaines personnes à votre égard. Certes, les séquences retenues dans le film Indie Game : The Movie ne vous mettent clairement pas en valeur. Je pense que cela a joué contre vous car étant donné la visibilité du film auprès du public et les séquences choisies, c’est un peu comme si vous étiez devenus les bêtes à abattre, un peu comme les vilains petits canards indépendants. Les vidéos sur youtube analysant uniquement ces quelques propos ne manquent pas et c’est dommage. C’est dommage car la communauté, si tant est qu’elle existe, réduit votre travail en avançant des arguments ridicules par rapport à certains de vos comportements, qui avouons le, auraient pu être ceux de n’importe qui.

FEZ est un jeu incroyable, avec de nombreux niveaux de lectures mais dès que l’on avance ses qualités, les réponses que l’on obtient sont : « oui mais Phil Fish, je ne l’aime pas ». The Witness est pour moi le jeu de 2016. Celui qui a été le plus remarquable, celui qui s’est imposé comme allant de soi. Je ne me suis jamais autant senti respecté en tant que joueur, pourtant, lorsque l’on commence une discussion à son sujet, on se retrouve avec des : « oui, mais Jonathan Blow, je le trouve un peu trop prétentieux » ou des « je me sens idiots lorsque je joue à The Witness« . Tout cela, c’est dommage, c’est dommage que certains médias vous aient décrit comme des personnes peu fréquentables alors que vos travaux respectifs semblent être ceux de deux personnes dont l’humanité et l’humilité transpirent dans le game design.

Phil, Jonathan, j’éprouve un amour sans fin pour vos jeux, j’avais besoin d’écrire mon regret quant à la façon dont certains peuvent vous considérer, sans vous connaitre, au fond. Dire que l’on est capable de vous connaitre uniquement à travers les quelques interviews disponibles de vous serait d’une prétention terrible et à ce jour, j’estime que la seule façon de vous comprendre est de jouer et d’analyser vos jeux respectifs. Ni plus, ni moins. ■

Esteban Grine, 2017.