Une fin infinie : le remake de Final Fantasy 7

«Une fin infinie» est l’une des techniques apprises par Cloud Strife dans le remake de Final Fantasy 7, jeu que j’ai enfin terminé hier soir, après une longue et lente descente aux enfers pour mon expérience. Le titre de cette technique sonne un parallèle étrange avec les dernières heures passées sur ce merveilleux jeu. Du coup, plutôt qu’un billet hautement fourni en référence ou qu’une série de tweets belliqueux, autant rédiger ici les quelques pensées, éparses et incohérentes que j’ai à l’égard de ce jeu. Par ailleurs, je précise que même si j’aime FF7 et son récit, je ne suis pas suffisamment passionné pour avoir cherché à obtenir l’intégralité des jeux afin de comprendre toutes les ramifications du récit original.

Attention, l’article contient des spoilers.

Final Fantasy 7 Remake, abrégé par la suite FF7R, est une expérience que j’ai beaucoup aimé. Cependant, c’est aussi profondément une expérience en demi-teinte, mal inspirée et paresseuse pour ce qui est de son ambition en terme de narration.

Le premier regret qui m’est venu à l’esprit une fois la manette posée est un problème fondamentalement structurel pour ce jeu : le fait d’avoir voulu proposer «un jeu de rôle en couloir», certes typique des productions SquareEnix, mais profondément anachronique pour 2020, année de sa sortie. On se retrouve donc finalement avec une expérience proche de ce qu’a pu être Final Fantasy X, sorti en 2001. Contrairement à Final Fantasy XV dont la formule proposait un monde vaste et explorable, FF7R, n’a pas poursuivi l’ambition de proposer Midgar en tant que ville ouverte et explorable, dans l’intégralité de ses secteurs. Ce qui est un écart majeur entre l’expérience dont je rêvais, et son constat. Par ailleurs, les RPG en couloirs était un standard tant que les jeux d’aventure en couloir tels qu’Uncharted n’existait pas encore. D’où mon second regret : ne pas avoir embrasser un game design collant au level design tel qu’il est maintenant. Ce n’est malheureusement pas les quelques chapitres ouverts qui viennent réparer la chose étant donné la maigreur des quêtes annexes et leur inconsistance en termes de world building ou de lore propre au récit que l’on vit (exception faites des quêtes liées à l’Ange Gardien qui apportent quelque chose de plus).

Cette question du world building et du lore me permet de toucher mon troisième regret à l’égard de ce jeu : un relatif manque d’ambition lié au traitement des personnages, en particulier à l’égard du groupe principal mais aussi à l’égard de Biggs Wedge et Jesse. Jesse est d’ailleurs finalement la seule à mourir à l’écran. Par ailleurs, je vois plusieurs personnes saluer la relation entre Tifa et Aerith. J’en suis moi-même heureux (le jeu a passé le test de Bechdel autour de la vingtième heure de jeu pour moi). Cependant, comment ne pas voir que cette relation souffre de la comparaison avec d’autres sororités dans d’autres triple A ? En particuliers, il m’est impossible d’être satisfait des quelques lignes de dialogues que Tifa et Aérith échangent lorsque je me remémore la relation entre Chloe Frazer et Nadine Ross dans Uncharted: The Lost Legacy. Par contre, j’ai aimé le traitement de Barret dont finalement le jeu d’acteur est bien plus nuancé. Je chérie chaque moment où il retirait ses lunettes : son visage était pour moi le plus expressif et tous ses échanges avec Marlène sont des moments merveilleux. Il est probable ici que j’en ai cette image car je suis moi même jeune parent. Si maintenant on s’attarde sur le deuxième groupe, c’est tout simplement honteux. Biggs, avant de s’évanouir (car il ne meurt plus dans FF7R) à l’un des étages du pilier du secteur 7, lâche une dernière pic grossophobe à Wedge. Leur relation d’amitié ne se résume qu’à cela d’ailleurs dans FF7R (mais je ne vais pas paraphraser des propos déjà exprimés par ailleurs, notamment par Thais_PxC) et Jesse est finalement la seule à mourir du groupe et cela m’énerve.

D’une manière générale, malgré les regrets que j’ai exprimés jusqu’alors, mon parcours du jeu fut merveilleux jusqu’à la fin du chapitre 14, à savoir l’effondrement du pilier et son après. Il est important donc de mentionner maintenant, avant d’exprimer mon quatrième regret, que j’ai parcouru le jeu en slowrun, c’est-à-dire uniquement en marchant. Cela m’a pris au total 42 heures, dont 29 environ dédiés à ces 14 premiers chapitres. C’était 29 merveilleuses heures à me promener dans les environnements qui de loin sont très beaux mais dont les textures sont discutables, quoi qu’on en dise. Cela ne m’a pas fondamentalement dérangé mais je considère que pour un jeu sur deux blu-rays, il y a une interrogation à poser.

Et finalement, le problème transparaît de lui-même : un quart de mon expérience fut dédiée uniquement à l’ascension de l’équipe et à la tour Shinra et donc au tunnel de fin composé de boss à la chaîne. Inutile de dire que ce quatrième regret est dédié à ce problème fondamental de rythme lié aux derniers moments du jeu. Contrairement à des jeux qui focalisent leur fin sur une envolée et une accélération comme par exemple Death Stranding ou Red Dead Redemption 2 (pour ne parler que de AAA), j’ai vécu l’inverse dans mon exploration de la Shinra. Particulièrement, la séquence entièrement dédiée au laboratoire d’Hojo n’apporte finalement rien de fondamentalement concret au nouveau récit de FF7R. Je suis ressorti particulièrement fatigué de ce tunnel qui fut beaucoup trop long. Par ailleurs, ayant fait le jeu en facile, je n’étais absolument pas intéressé par le système de combat. Je peux donc comprendre que pour les personnes appréciant cette partie du game design, je peux comprendre pourquoi ce tunnel plaît. Cependant, la seule chose qui m’intéressait portait sur l’histoire, la marche et l’exploration : d’où mon désintérêt complet pour cette fin déceptive, étant donné finalement que tous les ennemis s’en sortent.

Ce qui m’amène à mon cinquième et dernier regret : le jeu ne m’a apporté aucune satisfaction vis-à-vis des interactions entre Avalanche et les ennemis qui, exception faite du président de la Shinra, parviennent toutes et tous à s’en sortir. En dehors des «grands méchants», il est dommage qu’aucun des «petits ennemis» que sont Hojo et particulièrement Don Cornéo, ne soient finalement jugés pour leurs actions. Don Cornéo cristallise cet suspension du dénouement qui caractérise ce jeu, présenté par certain·e·s comme une introduction, même si je me refuse personnellement d’attribuer cette adjectif à ce jeu qui se tient en tant que tel.

Je n’aborde finalement que très peu les éléments que je considère comme les plus réussis du jeu. Ce billet n’avait pas cet objectif. Cependant, il m’est difficile de ne pas saluer les efforts des équipes pour illustrer les conséquences des actes d’Avalanche, la séquence où Aérith va chercher Marlène (globalement tous les moments avec Aérith sont savoureux), où tout simplement le fait de marcher pendant ces quarante heures qui fut une lutte permanente entre le game design et mes habitudes de joueur. Dans un contexte de confinement, c’est cela qui me restera de Final Fantasy 7 Remake.